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PATRIE

XV

Patrie


Restés seuls sur la terrasse, par cette belle nuit maintenant faite et sereine, Émile et Jean s’attardent dans l’échange de leurs impressions. De tous les bruits discrets qui montent à leur oreille, celui du ressac, dont la voix blanche aux accents réguliers gémit sur la berge, invite surtout à la rêverie.

« Pourquoi, dit Jean, sommes-nous donc si franchement heureux ce soir, comme il ne me souvient pas de l’avoir jamais été en aucun jour où il me fut donné de réaliser un rêve, ou d’atteindre l’objectif de mes travaux et de mes peines ? Ne crois-tu pas, Émile, qu’au pied de ce village endormi, sur cette rive encore sauvage du grand fleuve, malgré son pittoresque, il y a en effet pour nous, pour moi principalement, quelque chose que notre argent n’y a pas mis ?

— C’est ton vieux curé d’autrefois qui aurait grand plaisir à t’entendre et à te