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L’ŒIL DU PHARE

plat-bord jusqu’au capotin. Émile Dupin ne voulait plus rire et semblait trouver chez le vieux marin quelque chose comme un homme supérieur qui disposait pour le moment de leur vie à tous. La scène ne manquait pas de grandeur. Augustin, qu’il ne cessait d’interroger sur l’imminence et les chances du péril, eut l’occasion bonne de lui faire entendre que l’homme du monde accompli accuse encore de petits côtés, que ni la richesse ni l’instruction ne sont des antidotes de la peur vulgaire.

Tout à l’heure, la course rectifiée et le vent pris en poupe, le yacht se redressera à la grande satisfaction de l’Américain, mais par contre le capitaine deviendra plus soucieux. Sur la lame qui accourt de l’ouest, rageuse et rapide, qui creuse un gouffre sous le couronnement du vaisseau pour le submerger quand il y sera descendu, Augustin constamment jette un regard inquiet, et de sa main droite, confiant à la gauche seule la direction du vaisseau, il trace d’amples signes de croix. Et la vague infailliblement de passer, en