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PRÉFACE.


Si aujourd’hui je viens m’adresser à la France, moi étranger, et si, dans une langue qui n’est pas la mienne, je me risque à discuter un point grave de sa littérature, certes, il faudra donner de bonnes raisons pour ne pas encourir le reproche de témérité pour un pareil fait. J’en suis tellement persuadé que, malgré les encouragements qui ne m’ont pas fait faute, je n’aurais pas hasardé une excursion sur un terrain qui revient de droit aux antiquaires Français, si je n’eusse pas trouvé mon excuse dans les circonstances qui m’ont engagé à entreprendre ce travail.

Chargé par mon gouvernement de publier la traduction flamande du roman de Lancelot, d’après le manuscrit unique, conservé à la Bibliothèque Royale de la Haye, je ne tardai pas à m’apercevoir que jamais mon édition ne pourrait répondre aux exigences de la science si je n’étudiais pas la question à fond, si je n’embrassais pas dans mes investigations tout ce qui se rapporte au cycle d’Artus et de la Table-ronde. D’ailleurs, le texte que j’avais mission de mettre au jour étant une traduction, je vis bientôt la nécessité de consulter l’original, nécessité qui devint impérieuse lorsque je pus constater que le premier volume du manuscrit hollandais, contenant la partie antérieure du roman (et probablement aussi le Graal et le Merlin), s’était perdu.

Pour compléter mon travail il me fallait rendre compte de la partie absente, soit en la publiant sous forme d’appendice à mon édition, soit en l’analysant en détail. Cela me renvoyait nécessairement à Paris pour y consulter les textes français, tant des romans en prose que de ceux en vers.

Sur ma demande respectueuse Sa Majesté le Roi Guillaume II me confia cette mission aussi honorable qu’importante pour la publication que j’avais abordée. Je consultai les manuscrits du palais Mazarin, et le résultat de mon voyage fut la publication d’une analyse fort détaillée de la première partie du roman de Lancelot dans l’Introduction du second