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DOURDAN SOUS LOUIS XIII ET ANNE D’AUTRICHE.

Nous ne parlerons pas d’un intrigant qui cherche en vain à exploiter la débonnaireté du roi aux dépens de son créancier, ni de la cabale montée pour perdre un des principaux officiers de Dourdan, trop impartial au gré de certaines gens, et amené au souper du roi, par M. de Bautru, pour présenter lui-même sa justification.

L’enthousiasme de Lescornay ne trouve que dans la Bible des exemples capables de soutenir la comparaison avec ces actes de simple justice du bon roi Louis XIII. Un renseignement plus positif, et qui fait regretter tous ceux qu’aurait si bien pu donner le trop superficiel écrivain, nous intéresse davantage. « J’eus un iour l’honneur, dit-il, d’entretenir fort longtemps monsieur de Bautru de la trop véritable pauureté du païs et de la somme excessiue à laquelle la ville de Dourdan estoit taxée par le conseil pour la taille, à cause de quoy elle se dépeuploit de iour à autre et demeureroit en fin déserte. Et sur la difficulté qu’il faisoit de croire ce que ie luy disois, à cause du grand peuple qu’il y voyoit, ie luy monstrai par les roolles des tailles que de 800 qui y estoient compris, il y en avoit 450 si misérables, qu’ils n’estoient taxez chacun qu’à un double, un sol, deux sols, et ainsi en montant jusques à vingt sols, et que toutes leurs taxes ensemble ne reuenoient qu’à huict vingts liures, qui faisoit que la ville n’en estoit guères soulagée, et qu’en effect toute la taille n’estoit payée que par un petit nombre qui ne pouuoit plus subsister… Il en parla le soir mesme au roy et receut commandement de me laisser 200 liures, tant pour déliurer au collecteur de la taille en l’acquit de ces pauures gens, que pour faire des aumosnes à ceux que ie trouuerois en auoir le plus de nécessité[1]. » Suit le panégyrique de M. de Bautru, l’éloge de son esprit enjoué, de sa pieuse déférence pour les gens d’Église, de sa bravoure admirée au siége de Montpellier, et surtout de son humeur charitable, qui lui a fait décerner par la ville de Dourdan le surnom d’aduocat des pauures[2].

Au milieu de ses joies et de ses espérances, Dourdan devait connaître encore de mauvais jours. La peste, que fuyait le roi en 1623, envahit la Beauce en 1626, et Dourdan fut tout d’abord une des villes les plus maltraitées, sans doute à cause de la misère qui y régnait après tant de malheurs. Dès le mois de juillet le fléau apparut, et au mois de septembre il était dans toute sa force, car nous trouvons dans les registres des échevins de Chartres défense aux hôteliers de Chartres, à cause de l’épidémie, de recevoir les gens de Dourdan, sous peine de 20 livres d’amende[3]. La famine, une cruelle épizootie, des bandes de voleurs qui jetaient l’épouvante dans les campagnes, achevèrent de faire de cette année 1626 une année calamiteuse pour la contrée.

  1. De Lescornay, p. 210.
  2. Tué plus tard au passage du Rhin, Nicolas de Bautru, comte de Nogent, était un brave soldat, frère du joyeux compère devenu académicien pour ses bons mots.
  3. Registres des échevins de Chartres, 5 septembre 1626.