Page:Chronique d une ancienne ville royale Dourdan.djvu/253

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
237
LE CHÂTEAU.

prudence tout-à-fait conforme aux usages du temps et aux précautions défiantes qu’on prenait contre la garnison au moins autant que contre l’ennemi.

L’étroit escalier voûté qui s’élève en tournant jusqu’à l’étage supérieur amenait au couronnement. Ce couronnement, qui n’existe plus, puisque le donjon finit maintenant au-dessus de la voûte du second étage, était fort compliqué, et c’est après avoir étudié les règles presque invariables de l’époque et avoir reçu personnellement du maître en cette science, M. Viollet-Leduc, les indications les plus précises, que nous nous hasardons à donner au lecteur un aperçu de ce que devait être le faîte du donjon de Dourdan (fig. 5 et 5 bis). La première zone était celle des machicoulis : des poutres posées en travers sur des corbeaux ou pierres saillantes fixées en encorbellement tout autour du sommet, soutenaient la charpente antérieure d’un chemin couvert ou couloir circulaire qui régnait autour du donjon sur une partie de l’épaisseur de la muraille (S). Ce chemin couvert était protégé par un toit incliné à 45°, et fermé en avant par une cloison percée d’ouvertures pour lancer des projectiles. Entre cette cloison et la paroi de la tour, dans le vide donné par la saillie des corbeaux, une sorte de fente permettait de laisser tomber des pierres sur les assaillants (T). La muraille contre laquelle s’adossait ce chemin couvert portait elle-même, sur son épaisseur (U), des créneaux derrière lesquels circulait un étroit chemin de ronde qui formait une dernière couronne de défense. Au-dessus se dressait, à 60 degrés, un haut comble pointu surmonté par une girouette (V). Sur la voûte qui termine aujourd’hui le donjon, s’élevait donc une salle haute, plus un grenier.

Ce système stratégique, combiné pour les engins en usage au moyen âge et principalement pour les armes à trait, devait devenir insignifiant et même gênant après la découverte de l’artillerie. Aussi fut-il supprimé sur les anciens donjons. C’est ainsi que celui de Dourdan perdit, au moins en partie, au commencement du xve siècle, ses ouvrages supérieurs, qui furent remplacés par des clayonnages et des gabions derrière lesquels furent installés les canons et les couleuvrines. Les grands siéges qui eurent lieu à cette époque achevèrent de défigurer ce couronnement.

Aujourd’hui, il ne reste plus rien sur la plate-forme du donjon privé de ses machicoulis, qu’une épaisse couche de terre et de détritus devenue le sol artificiel d’un véritable jardin. Des lilas et des églantiers couronnent d’un panache de verdure la cime légèrement écorchée de la vieille tour. Cette végétation parasite ajoute beaucoup à l’effet pittoresque du monument, mais, hélas ! compromet sérieusement son existence. L’eau, en s’infiltrant dans les terres, disjoint les pierres, décompose les mortiers et pourrit les voûtes. Déjà plusieurs claveaux s’effritent et exigent un prompt remplacement. Sur le point de faire exécuter des réparations déclarées urgentes par les hommes de l’art, nous avouons que c’est avec regret que nous nous déciderons à supprimer ce couronnement naturel