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CHAPITRE II.

Pendant le xie siècle et la première moitié du xiie, Dourdan eut à souffrir, et cruellement sans doute, des hostilités et des belliqueuses incursions des grands vassaux voisins des domaines de la couronne. Ce n’est qu’à coups d’épée que les fils de Hugues Capet acquirent prépondérance et indépendance, et c’est précisément du côté du pays chartrain que leur venaient l’opposition et la menace. Oubliant que c’était des ducs de France qu’elle tenait son comté, héritière de l’humeur turbulente de Thibault le Tricheur, l’orgueilleuse lignée des comtes de Chartres, devenus très-puissants par l’acquisition des comtés de Champagne, Blois et Tours, tint véritablement la royauté en échec pendant près d’un siècle et demi. Les guerres du comte de Chartres Eudes II, fils de Berthe, reine répudiée, avec le roi Robert et avec Bouchard, comte de Melunet de Corbeil ; celles du comte Thibault III avec le roi Henri, amenèrent plusieurs fois la dévastation aux portes de Dourdan, dont le territoire fut souvent violé.

En face et tout près de Dourdan se dressait, comme un nid d’aigle et un repaire de bandits, Rochefort, Rupifors, ou Rupes fortis, abrupte et sauvage colline dominée par le manoir des comtes de Rochefort. De leur puissant oppidum, ceux-ci donnaient la main aux fils de Milon le Cruel, leurs terribles voisins et parents de Montlhéry, et, interceptant les routes, pillaient et rançonnaient les voyageurs. Le jeune Louis le Gros, fils aîné du roi Philippe, prince hardi et batailleur, eut le malheur de se prendre de querelle avec le sénéchal Guy de Rochefort, dont il répudia la fille Lucienne (1109). Tant qu’il vécut il dut lutter contre les ennemis suscités par son vindicatif beau-père. Guy disposait d’un terrible auxiliaire, son petit-neveu, le fameux vicomte Hugues du Puiset, ce malfaisant et puissant personnage dont le nom est resté légendaire. Il le lança sur Louis avec toute sa meute de Puisétiens, et pendant trente années Louis, fils de roi, puis roi lui-même, dut jusqu’à trois fois attaquer dans son repaire de la Beauce le loup-cervier du Puiset et raser son manoir maudit qui renaissait de ses ruines. Le duc de Chartres, Thibault IV, prêtait perfidement la main au bandit dont il avait éprouvé lui-même la colère. L’exaspération des campagnes était à son comble ; toutes les terres du domaine royal étaient ravagées. A chaque instant les prières des populations ruinées appelaient le roi, et quand il se leva pour le siége du Puiset, des bandes de paysans conduits par leurs curés s’enrégimentèrent pour prêter main forte. Louis, sur ces entrefaites, vint à Dourdan ; il y demeura comme dans une des villes frontières de la couronne, comme dans un poste intermédiaire entre Rochefort et le Puiset. Il demanda à Dourdan des soldats et des vivres et y fit camper ses troupes. C’est lui, comme nous le verrons tout à l’heure, qui donna, en la prenant sous sa protection, notre église Saint-Pierre à l’abbaye de Morigny ; c’est dans sa chambre, pendant l’un de ses séjours, in camera regis, apud Dordingtum, que furent expédiées des affaires d’administration et que fut passé, entre autres, un acte de donation entre-vifs retrouvé