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INDUSTRIE ET COMMERCE.

Dourdan. Il parait que le meilleur cru était celui qui s’étendait sur le versant septentrional et courait depuis la forêt jusqu’à Roinville. « Les deux costeaux, dit de Lescornay, sont garnis de vignes qui produisent de très-bon vin, celles principalement du territoire de Chasteau-Pers (qui estoit anciennement nommé Cremaux), pource que le soleil de midy les regarde directemente et à plomb. » Nous n’avons pas besoin de revenir sur les contestations nées, dès la fin du xiie siècle, entre les chanoines de la paroisse Saint-Germain, les paroissiens et les abbayes voisines, au sujet des dîmes de vin, qui étaient le plus riche revenu de l’église[1]. On connaît le beau cellier construit alors sous le prieuré pour loger les tonnes de vin de cuve, pede pressi, que les bourgeois de la ville devaient chaque année, à raison de quatre septiers par arpent. Les moines de Clairefontaine cultivaient leurs vignes sur la pente des Jalots, dépouillée par eux de ses bois ; les lépreux de Dourdan soignaient les leurs au berceau Saint-Laurent. Les moines de Morigny en avaient pour leur usage au clos Saint-Père et dans leur jardin de Grousteau. Jusque sur la lisière des bois, les vignerons disputaient leur récolte au gibier de la forêt et obtenaient du duc d’Évreux la permission de veiller la nuit avec des bâtons. Aussi venait-on des environs faire à Dourdan sa provision de vin, et le rouage et criage des vins de Dourdan et des Granges-le-Roy figuraient-ils au nombre des droits seigneuriaux que nous avons vu céder, affermer ou revendiquer par le domaine. Le vin du territoire de Dourdan se vendait sur la route d’Étampes à Paris, et les marchands de la capitale eux-mêmes s’en faisaient les débitants. Comment cette faveur s’est-elle perdue ? Comment cette culture est-elle tombée au point qu’au siècle dernier, en taxant les vignes de l’élection à 30 ou 20 sols de taille l’arpent, comme « très-fautives » et fournissant à grand’peine 5 poinçons, jauge d’Orléans, par arpent, le cadastre ne daignait pas taxer celles de Dourdan, « comme étant plus à charge qu’à profit aux vignerons qui les tenoient à très-fortes rentes ? » — Le sol avait-il été épuisé par cette culture séculaire ? Les bonnes traditions d’exploitation avaient-elles disparu avec les bons moines qui se les transmettaient jadis ? La terre des pentes, par le lavage incessant des eaux, avait-elle perdu quelques-uns de ses principes, et le déboisement des côtes avait-il amené le desséchement du sol ? Quand les rapports officiels qualifiaient de « mauvaise, » au xviiie siècle, la qualité des vins de Dourdan, on ne pouvait pas dire que ce fût pure calomnie ; par conséquent, ou cette qualité avait singulièrement dégénéré, ou les vins que savouraient nos vieux aïeux paraissaient moins bons à leurs descendants, depuis que la facilité des communications et l’échange des produits leur en avaient fait connaître de meilleurs.

Ce n’était pas seulement au sol que l’industrie locale empruntait ses éléments. Les dépouilles des troupeaux défrayaient le métier des tan-

  1. Voir chapitre IV