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DE GUILLAUME DE NANGIS

était né dans la Pouille, et appelé auparavant frère Pierre de Moron ; il avait été moine et père d’un petit couvent par lui fondé, et appelé Saint-Benoît-des-Monts, et avait vécu en ermite à Sulmone dans les Abruzzes. C’était un homme d’une grande humilité, de sainte condition et de glorieuse renommée. Agé, à ce que l’on croit, de plus de soixante-douze ans, il était cependant robuste et bien portant de corps, médiocrement lettré, suffisant en sagesse, et de quelque expérience. Les cardinaux paraissaient ohstinés et affermis dans leur discorde sur l’élection d’un pape. Ils s’étaient rassemblés, mais non pour traiter de ladite élection et n’avaient jamais entendu proposer pour être élu ledit Pierre, lorsqu’un cardinal dit par hasard quelque chose dans le commun consistoire de sa renommée et de sa sainteté. Inspirés, comme l’on croit, de Dieu, ils l’élurent souverain pontife par un choix unanime, et avec une grande effusion de larmes.

Edouard, roi d’Angleterre, déclarant ouvertement et vigoureusement la guerre au roi de France, envoya vers la Gascogne une très-forte flotte munie de ses gens, qui ravagea et consuma en entier par le feu une île appelée l’île de Rhé, du côté de La Rochelle, dans le Poitou, qui tenait pour le roi de France. De là les Anglais faisant voile vers Bordeaux, s’emparèrent du château de Blaye et de trois villages ou villes situés sur les bords de la mer, tuèrent traîtreusement plusieurs Gascons, et chassèrent honteusement les gens de Philippe. Ils s’approchèrent de Bordeaux ; mais n’ayant pu faire aucune tentative contre cette ville à cause de Raoul de Nesle, conné-