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CHRONIQUE

qu’on décidât à leur égard conformément à la justice.

Beaucoup de gens assignèrent à ces choses beaucoup de différens motifs ; mais le plus fondé et le plus communément adopté est celui qui suit. Le roi de Grenade, affligé d’avoir été souvent vaincu par les Chrétiens, et surtout par l’oncle du roi de Castille, dont nous avons parlé plus haut, et ne pouvant se venger à son gré, à défaut de la force des armes, chercha à accomplir sa vengeance par la fourberie. C’est pourquoi l’on dit qu’il eut avec les Juifs un entretien pour tâcher par leur moyen de détruire la chrétienté par quelque maléfice, et leur promit d’innombrables sommes d’argent. Ils lui promirent d’inventer un maléfice, disant qu’ils ne pouvaient aucunement l’exécuter, parce qu’ils étaient suspects aux Chrétiens, mais que les lépreux, qui ont de continuelles relations avec les Chrétiens, pourraient très bien accomplir ce maléfice en jetant des poisons dans leurs sources et leurs puits. C’est pourquoi les Juifs ayant rassemblé les principaux des lépreux, ceux-ci, par l’intervention du diable, furent tellement séduits par leurs trompeuses suggestions, qu’après avoir d’abord abjuré la foi catholique, et ce qui est terrible à entendre, criblé et mis le corps du Christ dans ces poisons mortels, ainsi que plusieurs lépreux l’avouèrent dans la suite, consentirent à exécuter ledit maléfice. Les principaux des lépreux, s’étant rassemblés de tous les points de la chrétienté, établirent quatre espèces d’assemblées générales, et il n’y eut point de noble ladrerie, comme quelques lépreux l’ont avoué dans la suite, dont quelque lépreux n’eût assisté à ces assemblées pour annoncer aux autres ce qui s’y ferait,