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DE GUILLAUME DE NANGIS

qu’il promettrait de corriger librement son opinion sans aucune obstination, selon le jugement de la sainte Église.

Il arriva après le concile que, pendant que le pape célébrait la messe dans la grande église, et que selon la coutume romaine un des ministres de l’autel lui apportait le calice, je ne sais par quelle négligence des ministres, le sang du Seigneur fut répandu sur le tapis devant l’autel. Cet événement frappa d’une grande terreur les plus savans, qui pensaient avec certitude qu’une chose de cette sorte n’arrivait jamais dans aucune église qu’elle ne fût menacée de toutes parts d’un grand danger ; et comme cet événement était arrivé dans le Siège apostolique, on craignait que l’Église universelle ne fût en proie à tous les périls. Cette opinion n’était certes pas sans fondement, car cette même année, Conrad, empereur des Romains, comme on l’a dit plus haut, vit son armée détruite par les Turcs en Orient, et put à peine s’échapper. Le roi de France Louis, et son armée française, se rendant vers la Terre-Sainte, à travers les déserts de la Syrie, éprouvèrent de très-grandes pertes par la ruse et la fourberie des Grecs, et par les fréquentes attaques des Turcs, et furent tourmentés par une si violente famine, que quelques-uns d’entre eux se nourrirent de la chair des chevaux et des ânes. On dit qu’alors, à Jérusalem, le tonnerre se fit entendre dans le temple du Seigneur ou sur le mont des Oliviers, comme un présage de cette calamité. Les loups même, en beaucoup de lieux et de villes, dévorèrent des hommes. Alphonse, comte de Saint-Gilles, s’étant rendu dans la Palestine avec une grande ar-