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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 11, 1867.djvu/298

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est glorifié par nous, puisqu’il ne jouit pas de l’honneur que nous lui rendons ? Eh ! De même qu’il dit avoir faim et avoir soif, il s’approprie ce qui est de l’humanité, afin de nous attirer à lui ; il s’approprie et les honneurs et les offenses, afin que nous craignions d’en commettre contre nos frères ; et nous ne nous laissons pas gagner.
« Glorifions Dieu et exaltons-le dans notre corps » (1Cor. 6,20) et dans notre esprit. Comment un homme peut-il le glorifier dans son corps ? Et comment dans son esprit ? L’esprit ici veut dire l’âme, par opposition au corps. Mais comment le glorifier dans son corps ? Comment dans son âme ? On le glorifie dans son corps en évitant l’impureté, l’ivrognerie, la gourmandise, la vaine parure, en ne prenant de son corps que le soin utile pour la santé ; celui-là le glorifie qui ne commet point d’adultère ; celle-là, qui ne se parfume point, qui ne farde point son visage, qui se contente de ce que Dieu a formé, sans y rien ajouter par l’art. Pourquoi, en effet, dites-moi, ajouter ce qui vient de vous-même à l’œuvre que Dieu a parfaite ? Vous ne vous êtes pas formée vous-même ; et, comme si vous étiez une ouvrière d’un talent supérieur, vous essayez de rectifier l’ouvrage ; en vous parant ainsi, vous insultez le Créateur pour vous attirer de nombreux amants. – Mais comment faire, me direz-vous ? Je ne le voudrais pas ; c’est mon mari qui m’y contraint. – Non, cela n’arrive qu’à celles qui veulent provoquer l’amour. Dieu vous a faite belle, pour être admiré dans son œuvre et non pour être outragé ; ne lui offrez point pour ses dons un tel retour, mais une conduite modeste et réglée. Dieu vous a faite belle pour accroître le mérite de votre retenue ; car on ne peut mettre sur la même ligne la modestie d’une femme pleine d’attraits et celle d’une femme à qui nul ne songera. Écoutez ce que dit l’Écriture au sujet de Joseph, « qu’il était jeune et beau de visage ». (Gen. 39,6) Que nous fait donc à nous qu’il fût beau ? L’Écriture le dit pour que nous admirions à la fois sa beauté et sa chasteté. Dieu vous a faite belle ! Pourquoi donc vous défigurer ? Celles qui se couvrent d’une couche de fard, ressemblent à l’homme qui barbouillerait de rouge une statue d’or ; c’est une boue rouge et blanche que vous répandez sur vous-même.
Mais, dira-t-on, celles qui sont laides ont raison d’en agir ainsi. – Pourquoi donc, dites-moi ? Pour cacher leur laideur ? Peine perdue. Quand donc la nature est-elle vaincue par l’artifice ? Et après tout, en quoi la laideur vous afflige-t-elle ? Parce qu’on la repousse ? Écoutez cette parole d’un sage : « N’ayez point d’éloignement pour un homme à cause de son aspect, et ne louez point un homme pour sa beauté ». (Sir. 11,2) Admirez Dieu, le grand artiste, et non un homme qui n’est pas l’auteur de sa propre beauté. Quel avantage apporte la beauté ? Aucun, mais plutôt des difficultés plus grandes, plus de malveillance, de dangers et de soupçons. Telle femme n’eût jamais été soupçonnée sans sa beauté ; telle autre, si elle n’use d’une réserve consommée, d’une réserve extrême, aura bien vite une mauvaise renommée. Un mari soupçonne celle qui est sa compagne : Que peut-il y avoir de plus pénible ? Il ne trouvera point tant de plaisir à la voir que de souffrances dans ses soupçons. Le plaisir s’émousse à la longue ; la nonchalance et le laisser-aller passent pour impudence, l’âme devient vulgaire et pleine d’arrogance ; et c’est la beauté surtout qui amène ces malheurs ; sans elle, il ne se trouvera plus tant d’inconvénients ; sans elle, on ne verra pas des chiens insulter l’agneau, mais il paîtra dans une paix profonde, sans que le loup le trouble et l’attaque, et le berger pourra demeurer assis auprès de lui. Ce qui est extraordinaire, ce n’est pas que l’une soit belle et que l’autre ne le soit pas ; c’est qu’une femme ait – de mauvaises mœurs sans être belle, et que celle qui l’est soit vertueuse.
Dites-moi : Quelle est la qualité des yeux ? Est-ce d’être humides, bien mobiles, bien arrondis, d’un beau bleu, ou bien d’être clairs et perçants ? C’est assurément d’être perçants, et en voici la preuve : Quelle est la qualité d’une lampe ? Est-ce de jeter un vif éclat et d’éclairer toute la maison, ou d’être bien façonnée et bien arrondie ? C’est d’éclairer, dirons-nous sans hésiter ; c’est ce qu’on recherche en elle, le reste est indifférent. C’est pour cela que nous disons sans cesse à la servante qui en est chargée : Vous avez mal préparé la lampe. C’est que le fait d’une lampe est d’éclairer. L’œil de – même ; il n’importe pas qu’il soit de telle ou telle façon, dès lors qu’il remplit convenablement sa fonction ; on le dira mauvais s’il a la vue faible, si son organisme laisse à désirer ; nous disons de ceux qui n’y