Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/490

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aiment mieux emprunter de l’argent pour entretenir leur maison et leur famille que d’engager le moindre des instruments de leur art. Et ils ont raison. Ils savent que, une fois les outils vendus, toute leur habileté d’ouvriers leur sera inutile, tous leurs moyens de gagner disparaîtront ; s’ils gardent les outils, ils pourront un jour, avec le temps et par l’emploi régulier de leur industrie, payer toutes les dettes contractées ; s’ils s’étaient hâtés de les vendre, ils n’auraient plus à compter sur rien pour soulager leur misère et leur faim. Telles doivent être nos dispositions. De même que ces gens ont pour instruments de leurs métiers le marteau, l’enclume, la tenaille ; de même nous avons pour instruments de notre art divin les Livres des prophètes et des apôtres, l’Écriture entière inspirée de Dieu pour notre utilité (2Ti. 3, 16) ; et de même que, avec leurs outils, les ouvriers exécutent toutes les œuvres qu’ils entreprennent ; de même avec les nôtres, nous façonnons notre âme, nous rectifions ses défauts, nous rajeunissons ce qu’il y a de vieux en elle et d’usé. Ces ouvriers n’appliquent leur art qu’à donner aux objets matériels une forme extérieure ; il leur est impossible de changer la substance même de leurs œuvres, de faire que l’argent devienne or ; ils composent et donnent la forme, rien de plus. Pour vous, c’est autre chose, vous pouvez davantage, vous pouvez, du vase de bois que vous avez reçu, faire un vase d’or. J’en prends à témoin saint Paul qui a dit : Dans une grande maison on trouve non-seulement des vases d’or et d’argent, mais aussi des vases de bois et d’argile. Celui qui se purifiera lui-même deviendra un vase de sanctification, utile au Seigneur, préparé pour toute sorte de bonnes œuvres. (2Ti. 11, 20) Ne soyons donc pas négligents pour acquérir les livres saints, si nous ne voulons pas être un jour blessés dans les parties vives de notre âme : ce n’est pas l’or qu’il nous faut amasser, ce sont les Écritures divines dont nous devons faire un trésor. Plus l’or s’accumule, plus il tend de pièges à ceux qui le possèdent : mais les livres qu’on rassemble apportent mille avantages à ceux qui les ont.
La présence des armes royales à l’entrée d’une maison fait la sûreté complète de tous ceux qui y habitent, lors même que nul ne les emploierait ; ni larron, ni voleur, ni aucun malfaiteur n’osera attaquer cette maison. Ainsi en est-il des Livres saints ; partout où ils se rencontrent, ils repoussent les efforts du démon, ils procurent toutes les consolations de la vertu à leurs compagnons d’habitation. Par leur seul aspect ils nous inspirent de la répugnance contre le péché. Si nous avons eu le triste courage de commettre quelqu’une des actions qu’ils défendent, et de nous salir par quelque méchante œuvre, de retour en notre demeure et en face de nos Livres, nous sentons que la conscience nous condamne avec plus d’énergie, nous devenons plus forts contre la tentation. Mais, si nous persévérons dans la pureté de conduite, plus grand encore sera notre profit. Il suffit de toucher à l’Évangile pour communiquer aussitôt à nos pensées une merveilleuse harmonie, pour les détacher des préoccupations mondaines : c’est assez de le voir pour cela. Mais, si à la vue vous ajoutez une lecture diligente, votre âme alors introduite en quelque sorte dans un divin sanctuaire, se purifie, se perfectionne, s’entretient avec son Dieu par l’intermédiaire de la Lettre sacrée.
Mais quoi, dira-t-on, si nous ne comprenons pas ce que renferme la Bible ! – Eh bien ! même dans ce cas, la lecture de la Bible vous ouvrira une large source de sanctification. Du reste, il est impossible que tout vous y échappe égaiement : l’Esprit-Saint a voulu, par grâce spéciale, que la Bible fût écrite par des publicains, par des pêcheurs, par des corroyeurs, par des bergers et des pâtres, par des gens simples et illettrés, précisément pour que le dernier des paysans ne pût pas recourir, comme à une excuse valable, à ce motif d’ignorance ; pour que toutes les paroles du texte sacré fussent à la portée de tous ; pour que l’artisan et le serviteur, et la pauvre veuve, et le moins instruit des hommes fussent en état de trouver dans la lecture de la Bible utilité et profit. En effet, ce n’est pas en vue d’une vaine renommée, comme les païens, mais en vue du salut des auditeurs et des lecteurs de bonne volonté que des hommes, choisis dès l’origine par la grâce du Saint-Esprit, ont composé tous ces Livres.
3. Les philosophes étrangers au Christ, les rhéteurs, les scribes n’ont pas cherché l’utilité générale ; ils ne voyaient que ce qui pouvait les rendre fameux ; c’est pourquoi, s’ils ont énoncé quelque bonne vérité, ils l’ont enfouie dans leur habituelle obscurité comme au sein