Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/495

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aux convoitises insensées, de réprimer l’ambition, de chasser l’orgueil, de renoncer aux voluptés, de se ranger sous une austère discipline ; or, nul ne se sauvera qu’à cette condition. Pour le comprendre, écoutez les paroles de saint Paul sur la femme veuve : Celle qui vit dans les jouissances est morte, quoiqu’elle paraisse vivre. (1Ti. 5, 6) Ces paroles, justes pour une femme, le sont plus encore pour un homme. Un homme qui aura mené une vie lâche n’arrivera pas au Ciel : le Christ l’a déclaré en ces termes : La route qui conduit à la vie est rude et étroite ; bien peu savent la trouver. (Mat. 7, 14)
Mais alors, objectera-t-on, pourquoi est-il écrit : Mon joug est doux et mon fardeau, léger ? (Mat. 11, 30) Car si le chemin est étroit et difficile, comment peut-on dire ensuite qu’il est doux et commode d’y marcher ? L’une de ces paroles se rapporte à la nature des difficultés que nous devons rencontrer, et l’autre à la volonté librement résolue de ceux qui entrent dans la voie. Il se peut qu’un fardeau, naturellement insupportable, devienne léger en raison de la vigueur d’âme avec laquelle on l’enlève : ainsi, les apôtres, après avoir été battus de verges, s’en allèrent tout joyeux de ce qu’ils avaient été jugés dignes de subir cet outrage pour le nom du Seigneur (Act. 5, 41) ; il est dans la nature qu’un supplice soit ignominieux et douloureux ; mais les sentiments généreux qui animèrent les apôtres sous le fouet du bourreau, triomphèrent de la nature même. C’est pourquoi saint Paul dit : Tous ceux qui veulent vivre pieusement en Jésus-Christ souriront persécution. (2Ti. 3, 12) Si l’homme ne persécute pas, c’est le démon qui déclare la guerre. Aussi avons-nous besoin de sagesse et de force pour veiller et prier sans cesse, pour ne pas envier le bien d’autrui, pour donner part aux pauvres dans les biens que nous possédons, pour dire adieu aux voluptés, au luxe des vêtements, aux plaisirs de la table, pour fuir l’avarice et l’ivrognerie et les mauvaises paroles, pour maîtriser notre langue, pour nous abstenir des vociférations insensées, pour ne proférer jamais ni mots obscènes ni plaisanteries piquantes. Que toute aigreur, tout emportement, toute colère, toute clameur, tout blasphème soient bannis d’entre vous. (Eph. 4, 31) Que de peine, et quelle vigilance ne faut-il pas pour se préserver complètement de ces fautes ! Pour apprendre combien vaut cette divine philosophie et combien peu elle nous permet de relâche, écoutez le mot de saint Paul : Je châtie mon corps et je le réduis en servitude. (1Co. 9, 27) Ces expressions nous montrent quelle violence doivent se faire et à quel travail doivent se livrer ceux qui veulent dompter entièrement leur corps et le rendre docile au frein. Le Christ a dit à ses disciples : Dans le monde vous trouverez la persécution ; mais ayez courage ! j’ai vaincu le monde. (Jn. 16, 33) C’est précisément, nous dit-il, la persécution qui vous donnera le repos. La vie présente est une arène pour le combat qu’il ne compte pas se tenir tranquille au milieu de la bataille, celui qui aspire à la couronne. Voulez-vous être couronnés ? dès lors acceptez une vie dure et laborieuse, afin que, après un travail dé peu de jours, vous méritiez d’obtenir là-haut les honneurs immortels.
7. Que de chagrins nous assaillent chaque jour ! Et quelle fermeté d’âme il nous faut pour vaincre le découragement et l’oisiveté, pour remercier, glorifier et adorer Celui qui permet que nous soyons éprouvés par tant d’afflictions ! Que d’accidents imprévus ! que d’angoisses ! Et, malgré tout, nous devons étouffer les pensées mauvaises, interdire à notre langue de faire entendre même une parole inconvenante, à l’exemple du bienheureux Job qui, au milieu de mille et mille maux, demeura inébranlable dans sa confiance en Dieu.
Certaines gens, blessés par une raillerie, atteints d’une maladie, d’un rhumatisme, d’une migraine, de quelqu’autre mal de ce genre, vomissent aussitôt des blasphèmes. Elles n’en subissent pas moins la souffrance, mais elles en perdent tout le fruit. – Que faites-vous, pauvre homme ? Vous injuriez votre bienfaiteur, votre sauveur, celui qui pourvoit à vos besoins et qui prend soin de vous. Ne sentez-vous pas que vous courez à un précipice, que vous vous jetez dans le gouffre d’une totale perdition ? Est-ce que vos blasphèmes apaisent vos douteurs ? Vous ne faites que les aiguiser et rendre votre tourment plus cruel ! C’est pour vous pousser à cet abîme que le démon vous assiège de mille angoisses. S’il vous entend blasphémer, il va sur l’heure augmenter et redoubler vos souffrances, afin de vous aiguillonner et vous irriter de plus en plus. S’il vous voit au contraire souffrir généreusement et rendre au Seigneur des actions de grâces d’autant plus vives que vos maux sont plus