Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 2, 1864.djvu/497

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tous : tous en effet nous sommes sujets au châtiment. Or, si nul ne recevait son châtiment ici-bas, beaucoup en deviendraient plus lâches et nieraient l’existence de la justice providentielle : en effet, si, ayant à présent sous leurs yeux l’exemple de tant de pécheurs frappés de châtiment, ils ne laissent pas de vomir leurs impiétés, que ne diraient-ils pas, si ce peu de punitions n’existait plus ! À quelle sorte de méchanceté ne s’emporteraient-ils pas ?. Pour ce motif Dieu punit ici-bas les uns et non les autres. Il en punit quelques-uns afin de les corriger de leurs vices, de rendre plus légère leur peine à venir, afin même de les en décharger totalement ; et du même coup il rend plus circonspects ceux qui vivent dans le péché. Il en épargne d’autres afin de leur inspirer cette surveillance d’eux-mêmes, cette conversion intérieure, ce respect pour la miséricorde divine qui les exempteront ici-bas de l’affliction et là-bas du supplice ; mais, s’ils s’obstinent et s’ils ne retirent aucun fruit de cette bénigne tolérance de Dieu, ils trouveront plus tard des châtiments aggravés par leur téméraire dédain.
Si quelque habile raisonneur m’objecte que ceux qui sont punis en ce monde, le sont tout à leur détriment, puisqu’ils pourraient sans cela se convertir, je répondrai : si Dieu eût prévu qu’ils dussent se convertir sans cela, il ne les eût pas punis. En effet, puisqu’il laisse en repos ceux mêmes qu’il sait incorrigibles, à plus forte raison permettrait-il à ceux qui mettront à profit son indulgente miséricorde, de trouver, dans la vie présente, le temps loisible pour se convertir. Mais, quand il les enlève par une mort prématurée, il tempère par là leur supplice dans l’éternité, en même temps qu’il inspire à d’autres des pensées de sagesse par l’exemple de ce châtiment. – Mais, pourquoi ne suit-il pas la même règle à l’égard de tous les pécheurs ? – C’est afin que ceux qu’il épargne deviennent plus modérés en raison de la crainte qu’ils ressentent, afin qu’ils bénissent la miséricorde de Dieu et respectent sa bonté, afin que sous l’influence de ces sentiments ils renoncent à leurs mauvaises habitudes. – Mais ils n’en font rien, direz-vous. – Ce n’est plus Dieu qui est en cause : accusez la lâcheté de ceux qui refusent d’employer pour leur propre salut des remèdes si nombreux. Si vous voulez bien comprendre pour quels motifs Dieu agit de la sorte, écoutez. Un jour, Pilate mêle le sang des Galiléens au sang des victimes sacrifiées ; on va trouver le Christ, on lui annonce ce fait ; alors il dit : Pensez-vous que ces Galiléens seuls étaient pécheurs ? Non ! je vous le déclare ; et, si vous ne faites pénitence, vous périrez pareillement. (Luc. 13, 2) Une autre fois dix-huit personnes furent écrasées sous les ruines d’une tour : il dit encore la même chose. Ces mots : Pensez-vous que ces Galiléens seuls étaient pécheurs ? Non ! nous montrent que les survivants étaient exposés à pareil accident ; et ces autres paroles : Si vous ne faites pénitence, vous périrez pareillement, qu’il a permis que ces gens fussent victimes de ce malheur afin précisément d’amener les survivants, par la crainte de ce qui venait d’arriver aux autres, à se convertir et à gagner l’héritage du ciel. – Mais quoi, direz-vous, c’est pour que je devienne meilleur qu’un autre est frappé ? – Non ! ce n’est pas précisément à cause de cela que cet autre est puni ; c’est à cause de ses propres péchés. Toutefois, le châtiment d’autrui devient, par surcroît, une occasion de salut pour ceux qui y prêtent une attention intelligente, pour ceux qui, saisis de crainte à la vue de tels maux, se rangent eux-mêmes à la sagesse. C’est ainsi qu’en usent les maîtres à l’égard de leurs esclaves : souvent ils n’en condamnent qu’un seul aux verges, afin de rendre par la crainte tous les autres plus dociles. Lors donc que vous voyez telles et telles personnes noyées dans un naufrage, écrasées sous des ruines, brûlées par un incendie, entraînées par les flots, enlevées par une mort prématurée et violente, tandis que vous en apercevez d’autres qui ont participé avec elles aux mêmes péchés ou qui en ont commis de plus graves encore, n’avoir rien de semblable à souffrir, n’allez pas vous scandaliser et dire : Pourquoi ceux qui sont coupables des mêmes fautes ne subissent-ils pas la même peine ? Raisonnez plutôt comme ceci : Dieu a jugé à propos d’enlever et de faire disparaître celui-ci afin d’adoucir dans le siècle futur son châtiment et peut-être afin de l’en exempter tout à fait ; et il a voulu que celui-là n’eût rien à souffrir de pareil, afin que la vue de la punition d’autrui lui inspirât la sagesse et lui donnât la modération ; que s’il s’obstine dans son péché, il s’amassera par sa propre négligence un trésor de vengeance terrible ; et ce n’est pas à Dieu qu’il devra attribuer la cause de son effroyable supplice. Si vous voyez un juste