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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/101

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son bien-aimé. Après cela, il a été vu sur la terre et il a conversé avec les hommes. » (Bar. 3,36. 37, 38)
4. Quant aux autres preuves vous verrez que les Prophètes dont vous avez feuilleté et fatigué inutilement les livres jusqu’à ce jour, proclament bien haut tout ce qui peut rendre certaine cette conjecture. Bien souvent déjà nous avons soutenu de pareilles discussions contre ces contradicteurs, et nous en soutiendrons bien souvent encore : mais en attendant restons attachés à notre sujet. « Et les cieux annonceront sa justice, parce que Dieu est juge. » Il me semble qu’ici le Prophète désigne par ce mot de justice son infatigable bienveillance, son affection pour nous, son active prévoyance qui s’adresse à tous les hommes sous tant de formes et de tant de manières, et qui se manifeste par l’œuvre même de la création, par l’établissement de sa loi, par le don de sa grâce, par tout ce que nous voyons comme par ce que nous ne voyons pas, par les prophètes, par les anges, par les apôtres, par les châtiments dont il nous frappe, par ses bienfaits, par ses menaces, par ses promesses, par l’ordre même des temps. « Écoute, mon peuple, et je parlerai ; Israël, je te rendrai témoignage (7). »
Voyez dès le début quelle complaisance et quelle douceur. De même qu’un homme dirait à un autre homme qui le troublerait et ferait du bruit : si tu veux m’entendre, je parlerai si tu veux m’écouter, je t’adresserai la parole, – de même notre Maître dit à nous, ses esclaves : si vous voulez m’entendre, je vous parlerai. Car ils n’avaient plus ni ressort, ni énergie, et ils ne pouvaient même pour un instant écouter avec recueillement la lecture de la loi. C’est à cela que faisait allusion le prophète qui se trouvant en Perse disait : « Je serai pour eux comme la voix de l’harmonieux, psaltérion. » (Ez. 33,32) Ils ne cessaient de recommander aux prophètes de ne plus prophétiser (1R. 19,10), bien plus ils les repoussaient comme s’ils eussent été importunés par eux. (Zac. 7,11) Nous voyons même un roi faire des menaces à un prophète et lui enjoindre de ne plus l’importuner. (Amo. 7,13) « Je suis le Dieu, ton Dieu. » Ce n’est pas sans raison que le Prophète se sert deux fois de la même expression. Comme il s’adressait à des gens insensibles, endurcis et peu disposés à l’écouter, il se mit à parler de la souveraineté de Dieu, trouvant ainsi un exorde excellent pour l’explication qui allait suivre, et faisant comprendre à ses auditeurs qu’ils doivent à Dieu leur liberté, et qu’il serait juste qu’ils lui fussent attachés comme l’esclave à son maître, comme la créature au Créateur, eux qui ont reçu tant de bienfaits, qui ont reçu tant d’honneurs. « Je ne t’accuserai point sur tes sacrifices et sur tes holocaustes ; ils sont toujours présents à mes yeux (8). »
C’est là le reproche que les autres prophètes adressent aux Juifs qui, négligeant ce qu’il y avait de plus important dans la vertu, mettaient leur espoir de salut dans ces holocaustes, et étaient toujours prêts à dire pour leur défense : nous offrons des sacrifices, nous offrons des holocaustes. Mais je ne suis pas venu pour vous juger là-dessus, répond le Seigneur, ni pour vous reprocher d’avoir négligé les sacrifices. Isaïe les atteint plus directement quand il dit : « Quel fruit me revient-il de la multitude de vos victimes ? J’en suis rassasié. Je ne veux plus de vos holocaustes, de la graisse de vos animaux, du sang de vos génisses, des agneaux et des boucs. Qui vous a demandé d’apporter ces offrandes ? » (Is. 1,11-12) Certes Dieu leur avait parlé souvent de sacrifices, mais, s’il en était question dans la loi qu’il leur donnait, ce n’était pas qu’il y tînt essentiellement, c’était pour condescendre à leur faiblesse. Jérémie dit aussi : « Pourquoi m’apportez-vous l’encens de Saba et les parfums des terres les plus éloignées ? » (Jer. 6,20) Et tous les prophètes, pour ainsi dire, affirment que c’est là une chose de peu d’importance. Aussi le Seigneur commence-t-il en ces termes : « Je suis le Dieu, ton Dieu », montrant par là que cette manière de l’adorer n’est pas digne de lui. Il faut adorer Dieu non en faisant fumer l’encens ou brûler la chair des victimes, mais par une vie vertueuse, par une vie tonte selon l’esprit et non selon le corps. Les démons qu’adorent les nations étrangères ne veulent pas de ce culte et préfèrent l’autre. Nous en trouvons le témoignage dans ces paroles d’un poète grec : \q Τὸ γὰρ λάχομεν γέρας ἡμεῖς. \q Telle est la part que le destin nous a faite. \q (Iliade Alpha, v. 49, Oméga, v. 98)
Il n’en est pas de même de notre Dieu. Les démons altérés du sang des hommes, et voulant