Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/103

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

reste plus qu’à tenir. C’est ainsi qu’Anne livra son fils, considérant cela comme une dette essentielle. (1Sa. 1,28) Vous aussi, si vous vous êtes engagé soit à faire l’aumône, soit à mener une vie chaste, soit à quelque autre chose de semblable, hâtez-vous de payer cette dette. Bien plus, à y regarder de près, on doit payer à Dieu la dette de la vertu, quand même on ne s’y serait pas engagé. C’est à quoi faisait allusion le Christ en disant, « ce que nous devions faire, nous l’avons fait. » (Lc. 17,10) Puis il racontait la parole de l’esclave à qui on donnait l’ordre peu pénible d’aller faire son service avant de se mettre à table. Ailleurs nous lisons ces mots : « Ne tarde pas à payer la dette de ton vœu. » (Qo. 5,3) Tu as promis, paie, de peur que la mort ne survienne et ne t’arrête brusquement. En quoi cela me regarde-t-il ? dira quelqu’un : je ne suis pas le maître de mon existence. Raison de plus pour ne pas tarder, puisque tu reconnais que tu ignores le moment précis où tu partiras, puisque tu n’es pas maître de ton existence, et que l’heure de ton départ ne dépend pas de toi. Ainsi ce que tu prenais pour un argument en ta faveur se retourne contre toi, et si tu n’as pas payé, ce n’est pas la faute de la mort, mais la faute de ta lenteur et de tes hésitations. – « Et invoque-moi au jour de ton affliction, et je te délivrerai, et tu me glorifieras (15). »
Voyez-vous comme il récompense généreusement nos hommages ? Où trouver rien qui égale une si grande bonté, car il ne se contente pas d’accorder des récompenses à notre vertu, récompenses bien au-dessus de nos travaux et qu’il nous donne au moment le plus opportun. – Mais pourquoi dit-il : « Invoque-moi ? » Pourquoi attend-il d’être invoqué par nous ? – Il veut se rapprocher de nous plus intimement et rendre plus vive notre affection pour lui en nous comblant de ses présents, en recevant les nôtres, en se laissant invoquer. La vertu nous fait vivre dans l’intimité de Dieu ; la fidélité à tenir nos engagements envers lui produit le même résultat, et la prière à son tour affermit cette intimité. Voilà pourquoi il dit : « Donne-moi et je te donnerai. » (Mt. 19,13) Et en réalité tout en donnant c’est toi qui reçois, car lui-même n’a nullement besoin de ces choses-là. Sois doux, sois modeste et sois chaste, tu n’ajoutes rien à Dieu, mais tu t’honores toi-même et tu te rends meilleur. Et cependant c’est cela même qu’il récompense en toi avec tant de générosité, comme s’il t’en avait quelque obligation. Avant de recevoir cette récompense tu jouis d’un plaisir bien doux, tu as conscience ; d’avoir bien fait, et tu as bon espoir pour l’avenir. Par ces mots « dans le jour de ton affliction » il ne veut parler ni du jour des malheurs, ni du jour des revers, il veut dire que si le péché vous fait la guerre, si le diable assiège votre âme en lui inspirant de mauvais désirs, vous trouverez en lui un allié puissant et dévoué. « Et je t’en tirerai, et tu me glorifieras. » Il nous montre encore une fois qu’il n’a pas besoin d’être glorifié par nous (et quel besoin en pourrait-il avoir étant le Dieu de gloire ?) S’il y tient c’est pour que l’hymne d’actions de grâces nous soit une occasion de nous rappeler ses bienfaits et de nous attacher davantage à lui, et avant tout de rendre notre vie sainte et heureuse.
6. On ne s’écarterait pas d’une interprétation légitime en disant que par le jour de l’affliction le Prophète a eu aussi en vue la vie future, car ce jour-là commence l’ère de l’éternelle affliction. Ici-bas en effet la mort qui survient met fin à nos malheurs, les amis nous consolent, ainsi que l’idée que cela doit finir un jour ; souvent on espère un revirement de fortune, souvent le temps adoucit nos souffrances, le temps, et la vue des malheurs d’autrui. Car bien des personnes se consolent presque de leurs malheurs en apprenant qu’elles ont des compagnons d’infortune, et en voyant beaucoup d’exemples de ce qui leur arrive. Là-bas rien de pareil : les coupables ne trouveront personne pour les consoler, et ils seront tous dépourvus d’amis. Le temps n’adoucira point leurs souffrances (comment cela se pourrait-il puisqu’ils seront consumés sans relâche par les flammes ?) ils ne pourront espérer d’y échapper, car leur supplice durera autant que l’éternité ; ils ne pourront compter sur la mort, car leur châtiment sera immortel, et leur corps sera immortel aussi pour le subir toujours. Ils n’auront pas même, ce qui pour beaucoup est une consolation, la satisfaction de voir les autres châtiés comme eux. Et d’abord, ils ne pourront voir le supplice de leurs compagnons, au milieu des ténèbres qui arrêteront leurs regards, comme un rempart impénétrable, ensuite l’excès de leur souffrance ne leur permettrait pas de jouir de cette espèce de consolation. Le riche n’y pourra rien