Aller au contenu

Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/105

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

traite comme un ennemi celui qui ne met pas les actes d’accord avec ses paroles. – « Tu hais l’ordre et tu as rejeté ma parole derrière toi (17). » Par l’ordre, il veut ici parler de la discipline établie par la loi qui met l’âme dans un juste équilibre, qui chasse le vice, qui fait mûrir les germes de vertu. Comment donc se fait-il que tu la manies, cette discipline, que tu la distribues aux autres, sans en rien garder pour ta conduite ? « C’est que tu as rejeté », dit-il, « ma parole derrière toi. »
7. non seulement tu n’as rien pris pour toi de la discipline de la loi, mais encore tu as mutilé ce que la nature t’en avait donné. Car nous faisons naturellement la distinction de ce qu’il faut et de ce qu’il ne faut pas faire. Mais toi tu as rejeté ces préceptes de la nature, et tu n’en as plus gardé le souvenir. – « Quand tu voyais un voleur tu courais pour te joindre à lui, et tu partageais l’adultère avec le séducteur (18). » Il n’est pas possible de trouver un homme pur de tout péché, ce qui a fait dire à quelqu’un : « Qui se vantera d’avoir le cœur pur, ou quel homme osera affirmer qu’il est exempt de tout péché ? » (Prov. 20,9) Et à saint Paul : « Ma conscience ne me reproche rien, mais », ajoute-t-il, « je n’en suis pas plus justifié par cela. » (1Cor. 4,4) « Le juste, dès qu’il parle, commence par s’accuser lui – même (Prov. 18,17) », c’est-à-dire par accuser ses propres péchés ; or, afin qu’on ne puisse dire : si tous sont en état de péché et que Dieu défende au pécheur de publier ses décrets, qui les publiera ? Pour prévenir cette objection, le Prophète énumère les différentes sortes de péchés. « Il y a le péché « mortel (Jean, v, 16) », comme celui que signale Héli : « Lorsqu’un homme offensera un homme, le prêtre priera pour lui ; mais s’il offense Dieu, qui priera pour lui ? » (1Sa. 2,25) Aux yeux de la loi, certains péchés étaient irrémissibles et entraînaient la mort, d’autres étaient faciles à réparer. Par exemple, le Christ dit, dans le Nouveau Testament : « Si votre frère a péché contre vous, allez lui représenter sa faute en particulier entre vous et lui. S’il ne vous écoute point, prenez encore avec vous deux personnes. S’il ne les écoute pas plus que vous, qu’il soit pour vous comme un païen et un publicain. » (Mt. 18, 15) Cependant Pierre a dit ailleurs : « Combien de fois, si mon frère pèche envers moi, lui remettrai-je son péché ? » Et il lui est répondu : « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois (Id. 21) », tandis que dans le passage précédent on dit de s’arrêter après deux tentatives de réconciliation, parce que le péché, passé ce délai, est grave, et qu’on n’est plus obligé de persister dans les avances qu’on a faites. Quoi ! il y a donc contradiction ? Non, non ; mais il a été dit : « Jusqu’à soixante-dix fois sept fois », c’est avec cette restriction, pourvu qu’il se repente. Comment remettre un péché à celui qui ne veut ni le confesser, ni s’en repentir ? Au moins, quand nous demandons des remèdes au médecin, nous lui montrons nos plaies. Quel est donc le pécheur dont il est question dans ce passage de l’Écriture ? Écoutons scrupuleusement, car elle nous le dépeint par ce qui suit : « Quand tu voyais un voleur, tu courais pour te joindre à lui, et tu partageais l’adultère avec le séducteur. Ta bouche était pleine de malice, et ta langue tramait des fourberies (19). Tranquillement a assis tu parlais contre ton frère : tu couvrais d’opprobre le fils de ta mère (20). » Voyez-vous, comme dans un tableau, la peinture du vice, et comme le vice a fait du méchant une brute, et comme il lui a fait perdre les nobles sentiments qu’il tenait de la nature ? Mais ne tiens contentons pas de passer devant ce tableau, examinons-le au contraire avec soin et dans tous ses détails. « Quand tu voyais un voleur, tu courais pour te joindre à lui. »
Voilà la cause de tous nos maux : voici surtout ce qui nous éloigne de la vertu, ce qui chez le plus grand nombre détruit l’amour du bien, lorsque, loin de blâmer ceux qui font mal, on se réjouit avec eux. Et cette complaisance est aussi coupable que le péché lui-même. Écoutez ce que dit saint Paul : « non seulement ils font ces choses, mais encore ils approuvent ceux qui les font. » (Rom. 1,32) Ce n’est pas un péché sans grièveté que de se réjouir avec ceux qui font le mal, quand même on ne le ferait pas soi-même. Celui qui a péché peut prétexter la nécessité, rejeter ses torts sur sa pauvreté, excuses mal fondées du reste ; mais toi, d’où vient que tu approuves son action, toi qui n’en retires ni plaisir, ni profit ? Lui se repentira peut-être : mais toi, tu te fermes cette porte, tu te prives de ce remède, tu obstrues de tes propres mains la voie qui pourrait te conduire au port du repentir. Quand il te verra, toi qui ne pèches pas et qui devais lui faire des reproches, non seulement