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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/136

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Seigneur est plein de bonté et de miséricorde. Il a donné la nourriture à ceux qui le craignent (5). » Le Prophète, après avoir proclamé les bienfaits de Dieu, bienfaits manifestés par ses miracles et par ses œuvres, après avoir dit le soin qu’il avait pris de nous, donne encore plus de poids à ses paroles en montrant que si Dieu a fait tant et de si grandes choses pour le salut des hommes, s’il a employé et s’il emploie tous les moyens pour former leur cœur et leur esprit et les préparer à le connaître et à pratiquer la vraie sagesse, s’il protège et soutient leur existence, il le fait non pas parce qu’il le doit, mais (ce qui doit porter au comble notre reconnaissance) par pitié pour nous et par bienveillance, non pas parce qu’il a besoin de le faire, mais par pure bonté. « Il a donné la nourriture à ceux qui le craignent. » Pourquoi parler ici de ceux qui le craignent ? Ce ne sont pas ceux-là seuls qu’il nourrit. Car il dit dans l’Évangile « qu’il fait lever le soleil pour les bons et pour les méchants, qu’il fait pleuvoir pour ceux qui sont justes et pour ceux qui ne le sont pas. » (Mt. 10,45) Comment donc le Prophète a-t-il pu dire « à ceux qui le craignent ? » Il me semble qu’ici il parle non pas de ta nourriture du corps, mais de celle de l’âme. Aussi ne parle-t-il que de ceux qui craignent le Seigneur, car c’est à ceux-là qu’elle est destinée. L’âme veut sa nourriture comme le corps. Et pour preuve, écoutez ces paroles : « L’homme ne vivra pas seulement de pain, il vivra aussi de toute parole sortie de la bouche de Dieu. » (Mt. 4,4) C’est donc de cette nourriture que parle le Prophète, de celle que Dieu a donnée de préférence à ceux qui le craignent, il parle des enseignements du Verbe divin et de ses préceptes où se résume toute sagesse. « Il se souviendra toujours de son alliance. » Afin de rabattre le sot orgueil des Juifs, et de leur enlever tout sujet de vanité, surtout afin de montrer que tous les biens dont ils ont joui ils les ont dus, non à leurs propres mérites, mais à l’affection que Dieu avait pour leurs pères et à l’alliance qu’il avait contractée avec eux, il dit : « Il se souviendra toujours de son alliance. » Et c’était là suivant les recommandations de Moïse, ce que les Juifs devaient se répéter entre eux et ce qu’ils devaient méditer à l’époque où ils pénétraient dans la terre de promission. Car il disait : « Si tu viens à bâtir de belles villes, si tu viens à t’entourer de trésors, ne va pas dire : cela m’est arrivé à cause de ma justice, mais : cela m’est arrivé à cause de l’alliance contractée avec mes pères. » (Deut. 9,4, 5) Rien de pire qu’une folle présomption ; aussi Dieu la frappe-t-il sans relâche, toujours, et de toute manière. « Il manifestera à son peuple la force de son bras (6), pour lui donner l’héritage des nations (7). »
De l’ensemble le Prophète descend aux détails : des événements qui intéressent l’univers, il descend à ceux qui ne concernent que les Juifs. Et cependant, à y regarder de près, on peut placer ceux-là au rang de ceux qui intéressent tout l’univers. Car les événements survenus chez eux étaient un enseignement pour les autres : leurs guerres, leurs trophées et leurs victoires suffisaient à tenir lieu de prédication pour ceux qui en auraient fait l’objet de leurs méditations. La succession de ces événements est en dehors et au-dessus de la logique humaine. Quelle explication logique donner de la chute des murs de Jéricho, quand sonnèrent les trompettes des Juifs ! des succès et du triomphe de cette femme qui commandait des armées ! de la victoire de ce petit garçon qui mit fin avec sa fronde aux attaques des ennemis ! et combien d’autres événements aussi extraordinaires ! C’est ainsi, c’est par une telle série de prodiges que les Juifs vainquirent leurs adversaires et les chassèrent de la Palestine. Lors donc que le Prophète dit : « Il manifestera à son peuple la force de son bras, pour lui donner l’héritage des nations », il n’a en vue qu’une chose, c’est de montrer la puissance du Seigneur qui, non content de repousser les nations ennemies des Juifs, employait pour en arriver là des moyens tels que ce peuple ne pouvait manquer de connaître (et pour cela les événements antérieurs suffisaient déjà), que c’était le bras divin qui frappait les ennemis, et que c’était parce que Dieu se faisait leur général, que les Juifs triomphaient de leurs adversaires. Il les instruisait par des paroles et surtout par des laits, par leurs chaussures et leurs vêtements qu’il conservait, par la nourriture qu’il leur envoyait, par la nuée qui les éclairait la nuit et les guidait le jour, par les guerres, par la paix, par leurs victoires, par le labourage, par les pluies, en un mot, toute chose prenait une voix pour proclamer l’action du Maître suprême, et pour aiguillonner leur intelligence émoussée, et en