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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/150

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voilà une grande parole ? Néanmoins, si vous songez de qui il est question, vous la trouverez bien insuffisante. Il ne tarit pas, je l’ai dit, s’en tenir aux paroles, il tarit porter plus haut sa pensée. Comment peut-il habiter dans les cieux, celui dont la présence remplit le ciel et la terre, celui (lui est partout, celui qui dit : « C’est Dieu, c’est moi qui m’approche, Dieu n’est pas loin. (Jer. 23,23) Celui qui a mesuré le ciel à l’empan et la terre dans la paume de la main, celui qui embrasse le tour de la terre. » (Is. 40,12,22) C’est parce qu’alors il s’adressait aux Juifs qu’il emploie ce langage afin d’initier peu à peu leur esprit, d’élever, de soulever de terre insensiblement leur pensée. Voilà pourquoi le Psalmiste ne se borne pas à dire : « Celui qui habite les hauteurs leurs et qui regarde ce qui est humble ; » il commence par dire d’abord : « Qui est comme le Seigneur notre Dieu ? » et par là il explique la seconde partie de sa phrase. Il parie ainsi pour condescendre à la faiblesse des Juifs qui avaient la superstition des images et adoraient des dieux enfermés dans des temples et des lieux déterminés. Voilà pourquoi il procède par comparaison, bien que Dieu soit hors de comparaison avec quelque chose que ce soit, comme je l’ai dit plus haut (et je ne me lasserai pas de le répéter) : il approprie ainsi son langage à la faiblesse de ses auditeurs. Il songeait moins alors à parler dignement de la majesté divine, qu’à se faire comprendre des Juifs. C’est pour cela qu’il n’avance que pas à pas, sans néanmoins s’en tenir à la bassesse de leurs idées et tout erg leur découvrant des perspectives plus hautes. En effet, après ces mots : « Lui qui habite les hauteurs et regarde ce qui est humble », il passe à un ordre de conception plus relevé, en ajoutant : « Dans le ciel et sur la terre. » Par là il indique que Dieu est à la fois là-haut et ici-bas. S’il considère ce qui se passe sur la terre, ce n’est pas de loin ni du fond du ciel, il n’est pas emprisonné dans le ciel, il est partout présent, il est auprès de chaque être.
3. Voyez-vous comment il élève progressivement l’esprit de ses auditeurs ? Après cela, quand il les a soulevés de terre, qu’il a fixé sur le ciel leurs regards, afin de leur proposer encore un plus grand spectacle, il passe à une autre preuve de la puissance divine, en disant : « Celui qui tire de la poussière l’indigent, et relève le pauvre de dessus son fumier (7). » Car c’est le propre d’une grande, d’une infinie puissance, que d’élever jusqu’aux petites choses. Ailleurs l’Écriture nous représente le contraire, à savoir, les grandes choses abaissées, par exemple en ce passage : « Broyant la force, et déchaînant le malheur contre les solides remparts. » (Amo. 5,9) – Ici au contraire il est dit que Dieu sait élever les petits. Tout cela est dit en général. Si l’on veut néanmoins y chercher un sens figuré, on verra que cela s’applique très-bien aux nations, que le genre humain a passé par un tel changement lors de la venue du Christ. En effet, quoi de plus misérable que notre espèce ? Cependant le Christ l’a relevée, l’a fait monter au ciel avec nos prémices, l’a fait asseoir sur le trône paternel. « Et relève le pauvre de dessus son fumier. Pour le faire asseoir avec les chefs, avec les chefs de son peuple (8). » Par ce mot fumier il désigne une basse condition, et le coup subit qui vient la changer, montrant ainsi que tout pour Dieu est aisé et facile. Il passe ensuite à quelque chose de plus élevé. Qu’est-ce donc ? C’est que Dieu sait non seulement bouleverser les fortunes et changer la bassesse en élévation, mais déplacer les bornes de la nature même, et rendre mère une femme stérile. Il poursuit donc ainsi : « Celui qui donne à celle qui était stérile la joie de se voir dans sa maison mère de plusieurs enfants (9). » C’est ce qui advint pour Anne et pour mille autres femmes. Voyez-vous que l’hymne est désormais complet et terminé ? Le Psalmiste a dit le bonheur réservé à la terre, comment le judaïsme devait finir, comment la lumière d’une nouvelle loi, celle de l’Église ; devait briller à son tour, comment le sacrifice serait offert désormais en tout lieu. Ensuite afin de convaincre les hommes les plus grossiers de la vérité de sa prédiction, il confirme au moyen de faits passés ce qu’il annonce pour l’avenir. Voici le sens de ses paroles : N’allez pas douter de ce grand changement, qui doit porter au plus haut degré de gloire les nations perdues. Ne voyez-vous pas ces choses arriver tous les jours ? Les petits grandir et prendre place au premier rang. Ne voyez-vous pas la nature corrigée dans ses imperfections, des lemmes stériles qui deviennent mères tout à coup ? Il est arrivé quelque chose de semblable pour l’Église : elle était stérile, et elle est devenue mère d’innombrables enfants. De là ces paroles d’Isaïe : « Réjouis-toi, femme stérile, toi qui n’enfantes point :