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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/164

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pourquoi j’ai parlé. » Jérusalem n’était plus, son temple avait été renversé, et tous ses habitants avaient été emmenés captifs et chargés de chaînes dans une terre étrangère : les barbares avaient pris possession de leur terre, et le vainqueur avait forcé les Juifs à planter des vignes, à bâtir des maisons, à contracter des mariages. Un tel état de choses jetait les Juifs dans le désespoir et ils pensaient en eux-mêmes : si alors que nous avions une ville, des armes, des remparts, de l’argent en si grande abondance, un temple avec son autel, son culte et ses cérémonies, tout ce qui concerne, en un mot, l’exercice de notre religion, nous avons été faits prisonniers et emmenés en captivité, comment pourrons-nous recouvrer notre patrie, maintenant que nous sommes en pays étranger, dépouillés de tout, sans armes et sans liberté ? Et ces pensées en troublaient un grand nombre des plus faibles, et ils ne faisaient plus attention aux prophéties, prédisant leur retour. C’est pourquoi David s’exprima de la sorte pour montrer que la foi est nécessaire dans tout ce que Dieu nous annonce. D’autres, comme Isaïe, leur parlent autrement. « Rappelez dans votre esprit », leur dit-il, « cette roche dont vous avez été taillés et cette citerne profonde d’où vous avez été tirés. » (Is. 51,1) Puis il ajoute : « Jetez les yeux sur Abraham votre père et sur Sara qui vous a enfantés, et considérez que l’ayant appelé lorsqu’il était seul, je l’ai béni et je l’ai multiplié. » (Id. 2) Ces paroles peuvent se traduire ainsi : Abraham n’était-il pas étranger ? N’était-il pas sans enfants et déjà avancé en âge ? N’avait-il pas une femme qui à raison de ses années et de sa constitution était stérile ? Toutes ses espérances n’étaient-elles pas anéanties complètement ? Et pourtant avec ce seul vieillard jusque-là sans enfants, j’ai peuplé la terre. Pourquoi donc vous troubler ? Si avec un seul homme j’ai pu peupler le monde, à plus forte raison, avec vous quoique vous soyez en petit nombre, je repeuplerai Jérusalem. Voilà pourquoi il dit : « Rappelez dans votre esprit cette roche d’où vous avez été taillés », pour indiquer Abraham, « et cette citerne profonde dont vous avez été tirés », désignant ainsi Sara. Car de même qu’une citerne n’a pas de source jaillissante, mais seulement l’eau qu’elle reçoit des pluies du ciel, ainsi Sara reçut d’en haut la faculté de concevoir dont elle était privée. Et de même encore qu’une pierre n’a jamais porté de fruit, ainsi en était-il d’Abraham[1]. Et pourtant c’est de là que je vous ai tirés pour peupler des régions aussi nombreuses et aussi étendues. Voilà pourquoi encore le Seigneur conduit Ézéchiel dans une plaine où il lui fait voir un amas d’ossements qui revivent à la parole du Prophète. Alors les montrant aux Juifs il leur dit : « Si je puis ainsi ressusciter les morts, à plus forte raison, je saurai vous ramener dans votre patrie, vous qui vivez. » (Ez. 37,1-13) Très-bien pour ces prophètes, mais que veut dire le Psalmiste par cette parole : « J’ai cru, c’est pourquoi j’ai parlé ? »
C’est-à-dire, il faut avoir confiance dans les promesses. Car, pour moi qui les méditais ces divines promesses, qui les conservais dans mon cœur, j’ai chassé tout trouble aussitôt que j’ai cru. Saint Paul parlant de nos biens sensibles et visibles requiert la foi. D’où il suit que s’il en est ainsi pour les choses matérielles, à plus forte raison pour les biens invisibles. Si la foi fut nécessaire aux Juifs pour recouvrer leur ville, combien plus à nous qui attendons le Ciel. Toutes les fois donc qu’il s’agit de quelque chose de grand que nous ne saurions atteindre ni par la pensée, ni par le raisonnement, il faut avoir recours à la foi et ne point examiner les choses d’après les règles d’une logique humaine : car les opérations miraculeuses de Dieu leur sont infiniment supérieures. Il faut donc imposer silence à la raison, et recourir à la foi pour glorifier Dieu. Essayez par le raisonnement de trouver le secret de ses opérations, ce n’est point le glorifier, c’est vouloir soumettre à notre humble raison les desseins admirables de la Providence.
2. C’est pourquoi saint Paul parlant, lui aussi, d’Abraham et de la manière admirable dont il fit taire sa raison pour ne considérer que la puissance de Celui qui lui faisait des promesses, nous assure que par sa conduite il glorifia Dieu souverainement : « Il n’hésita point », nous dit-il, « et il n’eut pas la moindre défiance de la promesse que Dieu lui avait faite, mais il se fortifia par la foi, rendant gloire à Dieu et étant pleinement persuadé qu’il est tout-puissant pour faire tout ce qu’il a promis. » (Rom. 4,20, 21)

  1. A la vérité, Sara était stérile, puisque la sainte Écriture nous l’apprend. Mais comment notre auteur a-t-il pu dire qu’Abraham le lut également, et qu’il n’était pas plus capable d’engendrer qu’une pierre, puisqu’après la mort de Sara, malgré son âge bien plus avancé, il eut sept enfants de Céthura ? (Note des Bénédictins)