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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/19

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vérités ont été altérées ? » Il y a bien des vérités diverses. Quand on parle ; de couleurs ou d’autres choses pareilles, on distingue les vraies des fausses ; on dit vraie pourpre et pourpre fausse ; de même quand il s’agit du jaune employé en teinture, ou de pierres précieuses, ou d’aromates, que sais-je encore ? Il en est de même des vertus. Ce qui est en effet, voilà la vérité ; ce qui n’est point, c’est le mensonge. Les choses dont parle le Prophète avaient été défigurées, obscurcies, non qu’elles eussent perdu leur puissance, mais parce que les hommes les avaient persécutées : voilà pourquoi il ne se borne pas à dire : « Les vérités ont été altérées », mais ajoute. « Par les fils des hommes. » Voyez encore : Il y a un monde véritable, il y a aussi un monde faux. Qu’est-ce que le monde véritable ? Celui de l’âme. Et le monde faux ? Celui du corps. Il y a une vraie et une fausse richesse. La fausse richesse, c’est la richesse d’argent ; la vraie, celle des bonnes œuvres. Il faut faire la même distinction en ce qui regarde le bonheur, la beauté, la puissance, la gloire. Mais la plupart, en toutes ces choses, négligent la vérité, pour courir après le mensonge. De même que l’homme est véritable ou faux ; véritable, quand il vit et se meut ; faux, quand il n’existe qu’en peinture ; on peut en dire autant des vertus.
2-3. « Chacun dit des choses vaines à son prochain. Leurs lèvres sont trompeuses. Ils profèrent le mal avec un cœur double. » Il signale ici deux fautes : La première, c’est de dire des choses vaines, la seconde de les dire à son prochain ; par choses vaines, il entend soit les choses – fausses, soit les choses inutiles et superflues. Paul a dit de même : « Ne vous mentez pas mutuellement. » (Col. 3,9) Et ce qu’il y avait de pire, c’est que cette corruption était générale. Il ne dit pas tel ou tel, mais « chacun. » Le vice n’était pas à la surface, mais au fond et enraciné dans, le cœur. « Un cœur double » désigne leur profonde duplicité. Voilà un mal plus terrible que les ennemis les plus dangereux. On peut se mettre en garde contre des ennemis déclarés, mais les hommes qui se cachent le visage sous un masque d’emprunt, se dérobent ainsi à la pénétration de ceux que menace leur perfidie, et sont bien plus à craindre que s’ils étaient armés de poignards cachés. « Le Seigneur exterminera toutes les lèvres perfides et les langues insolentes (4). » Ceux qui disent : Nous glorifierons notre langue (5). » Un autre traduit : « Nous régnerons sur notre langue. Nos lèvres nous appartiennent. » Un autre : « Sont avec nous. Qui est notre maître ? » Un autre « Qui dominera sur nous ? » Voyez-vous la sollicitude du Prophète, et la prière qu’il adresse pour ces hommes ? Ce qu’il dit, en effet, n’est pas dit contre eux, mais en leur faveur. Il ne demande pas leur perte, mais la guérison de leur vice. Il ne dit pas : Dieu les exterminera, mais bien : « Dieu exterminera les lèvres trompeuses. »
3. Ce n’est point à eux-mêmes qu’il en veut c’est leur langage, c’est leur orgueil, leur perfidie qu’il souhaite de voir anéantie ; c’est leur insolence dont il demande la répression. Il raille leur jactance par ces paroles : « Nos lèvres nous appartiennent. Qui est notre maître ? » C’est le, langage de la démence et de la folie. Paul donne une leçon tout opposée : « Vous n’êtes pas à vous-mêmes, vous avez été achetés d’un grand prix (1Cor. 6,19, 20) ; » à quoi il ajoute qu’il ne faut pas vivre pour soi-même. Vos lèvres ne sont pas à vous, dit-il, mais au Seigneur. C’est lui qui les a faites, lui qui les a disposées, lui qui les a animées. Mais ces lèvres sont les vôtres : ce n’est pas à dire pour cela qu’elles vous appartiennent ; nous possédons l’argent qui nous a été confié ; noua avons à loyer la terre que nous tenons d’autrui. Les lèvres aussi, Dieu nous les a données à, loyer, non pour en faire sortir des ronces, mais pour amener à bien les germes qui y sont déposés ; non pour leur faire produire la jactance ou la trahison, mais l’humilité, les bénédictions, la charité. Pareillement, s’il vous a donné des yeux, ce n’est pas pour que vous les fassiez servir à des regards dissolus, c’est afin que vous les décoriez de modestie des mains, ce n’est pas pour frapper, c’est pour répandre l’aumône. Comment osez-vous encore dire : « Nos lèvres nous appartiennent », quand vous les asservissez au péché, à la fornication, à l’impureté ? « Qui est notre maître ? » O diabolique parole ! suggestion du démon ! Vous voyez toute la nature proclamer la puissance, la sagesse, la sollicitude, la providence de votre Seigneur ; votre corps, votre âme, votre vie, les choses visibles, les êtres invisibles, tout pour ainsi dire, élève la voix et salue la puissance du Créateur : et vous pouvez dire : « Qui est notre maître ? »