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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/268

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Avant tout, ce qu’il faut demander, ce sont les biens spirituels ; et c’est ce que fait le Psalmiste en disant : « Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche. »
Comprenez-vous cette prudence ? comprenez-vous cette sagesse ? la prière qu’il fait tout d’abord ? Il demande la première de toutes les vertus, sans laquelle on tombe dans tous les finaux, avec laquelle on s’assure tous les biens. Il faut compter par milliers les maux qu’enfante la pétulance de la langue, et, de même, les biens que procure la circonspection. De même donc que c’est en vain que l’on possède maisons, villes, murailles, ouvertures, portes, si l’on n’a pas aussi des gardiens qui sachent les fermer, et les ouvrir quand il faut ; ainsi, ni la bouche ni la langue ne sont d’aucune utilité, sans la raison qui sait avec quel soin, avec quelle circonspection il faut fermer et ouvrir, ce qu’il faut laisser sortir, ce qu’il faut garder. « Il en est moins », dit l’Écriture, « qui sont morts par le glaive que par la langue. » (Sir. 28,18) Et maintenant le Christ : « Ce n’est pas ce qui entre dans la bouche, qui souille l’homme, mais ce qui en sort. » (Mt. 15,11) Et un autre : « Mettez une porte et un verrou à votre bouche. » (Sir. 28,25) Mais le sage, qui connaît, ici, toute la difficulté, a recours aux prières, et c’est Dieu qu’il appelle à son secours. Il fait mieux, il indique lui-même la difficulté, par ces paroles : « Qui donnera à mes lèvres un cachet qui les ferme ? » (Sir. 22,27) C’est qu’il faut, d’une part, contribuer de ce qui est en nous, voilà pourquoi il nous donne comme un précepte : « Mettez une porte et un verrou ; » il faut, d’autre part, invoquer le secours de Dieu, pour que notre zèle vienne à la pratique. Donc, ne nous lassons pas de garder notre bouche ; servons-nous de la raison, comme d’une clef, non pas pour la tenir toujours fermée, mais pour ne l’ouvrir qu’au temps, convenable. Parfois en effet, le silence est plus utile que la parole, de même que la parole est plus utile que le silence ; et aussi le sage disait : « Le temps de se taire, et le temps de parler. » (Qo. 3,9) – En effet, si les bouches devaient toujours être ouvertes, il n’y aurait pas de portes ; si elles devaient toujours être fermées, il n’y aurait pas besoin de gardes. À quoi bon garder ce qui est fermé ? Mais, s’il y a des portes et des gardes, c’est pour que nous fassions chaque chose en temps convenable. Maintenant un autre texte dit : « Faites un fléau de balance et un bassin pour votre langue. » (Sir. 28,17), demandant par là une attention plus scrupuleuse ; il ne suffit pas de faire entendre les paroles nécessaires, il faut de plus les produire avec circonspection, avec une réflexion attentive, les peser, pour ainsi dire, avec lu plus grand soin. Ce que nous faisons pour l’or, pour une matière périssable, faisons-le bien plus encore pour les paroles, de manière qu’il n’y ait rien de moins, rien de trop. De là ce que dit le sage : « Ne retenez pas la parole dans le temps salutaire. » (Sir. 4,23). Voyez-vous qu’il y a un temps où il convient que la parole sorte ; un autre texte, indiquant le moment du silence, dit : « S’il faut parler, répondez, sinon que votre main soit sur votre bouche. » (Id. 5,14) Et encore : « Celui qui abonde en paroles, sera détesté (Id. 20,8) ; » et encore : « Mieux vaut l’homme qui cache sa sottise, que l’homme qui cache sa sagesse. » (Id. 20,33) Avez-vous entendu des paroles ? « qu’elles meurent en vous, rassurez-vous, elles ne vous feront pas éclater. » (Id. 19,10) Autre texte : « Pressé par la parole, l’insensé accouchera, comme pressée par l’enfant, celle qui enfante. » (Id. 19,11) Ensuite, parlant de la mesure : « Parle, jeune homme, s’il te faut parler, au plus deux fois ; si l’on t’interroge, résume en peu de mots beaucoup de choses. » (Id. 32,10, 11) Il faut beaucoup d’attention pour manier la langue avec circonspection et sécurité. Aussi, le sage dit encore : « Il y a des réprimandes qui ne sont pas à propos, et il y a un silence qui est de la sagesse. » (Id. 19,28 ; 20, 5) Car il lie suffit pas de se taire, ni de parler à propos ; il faut encore y joindre beaucoup de grâce. De là, ce que disait Paul : « Que toutes vos paroles soient toujours accompagnées de grâce et assaisonnées du sel de la sagesse, en sorte que vous sachiez comment vous devez répondre à chacun. » (Col. 4,6)
Pensez que c’est l’organe qui nous sert à nous entretenir avec Dieu, à célébrer ses louanges ; par cet organe, nous recevons la victime redoutable. Les fidèles comprennent nos paroles ; voilà pourquoi il convient que la langue soit pure de toute accusation, de toute parole mauvaise, honteuse, calomniatrice ; si quelque pensée impure nous agite, avec violence, étouffons-la au dedans de nous-mêmes, ne souffrons pas qu’elle se produise en