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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/270

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avec lui. Vous avez vu le rieur, livré aux gémissements, voyez maintenant celui qui pleure, consolé. En effet, « bienheureux ceux qui pleurent », dit le Sauveur, « parce qu’ils seront consolés ! » (Mt. 5,5) Vous avez vu que ceux qui murmurent sont punis, voyez maintenant comment ceux qui rendent dos actions de grâces sont sauvés : « Vous êtes béni, Seigneur, et il faut louer votre nom, parce que votre justice s’est montrée dans tout ce que vous nous avez fait. » (Dan. 3,26, 27) Et un peu plus bas : « Toutes les choses que vous avez montrées parmi nous, vous les avez faites avec sagesse. » (Id. 28) Ces Juifs disaient : « Tous ceux qui font le mal, passent pour bons aux yeux du Seigneur ; » au contraire, ceux-ci répétaient : « Vos yeux sont purs, pour ne point souffrir le mal. » (Hab. 1,13) Ces Juifs trouvaient les étrangers heureux, parce que ceux qui font les crimes sont rétablis, disaient-ils ; le Psalmiste, au contraire, proclame le bonheur de ceux à qui Dieu accorde son secours : « Heureux », dit-il, « le peuple qui a le Seigneur pour son Dieu (Ps. 143,15) ; et encore : « Gardez-vous de porter envie aux méchants et n’ayez point de jalousie contre ceux qui commettent l’iniquité. » (Ps. 36,4) Avez-vous vu les saints, donnant aux autres de bons conseils, et demeurant eux-mêmes inébranlables au milieu des tentations ? Écoutez Jacob : « Si Dieu me donne du pain pour me nourrir et un vêtement pour me vêtir (Gen. 28,20) ; » et Abraham : « Je ne recevrai rien de vous, depuis un fil jusqu’à un cordon de soulier. » (Gen. 14,23) Or, quand il voyait son épouse menacée d’un outrage, et quand il souffrait de la famine, il ne fit entendre aucune parole déplacée. Et, quand son fils lui dit : « Mon père, voici le bois et le feu, où est donc la brebis (Gen. 22,7) ? » voyez la douceur et la sagesse de la réponse : « Dieu verra la brebis qu’il lui faut, mon fils. » Ni la nature, ni la pitié ne troublent le langage qu’il tient à son fils dans ce tête-à-tête, où ils étaient seul à seul ; et cela, quand tout conspirait à rendre plus violent en lui l’amour paternel. Et qu’on ne dise pas, que c’est la crainte des autres qui a retenu ses larmes ; loin de tout témoin, seul, il montre la solide vigueur de la sagesse.
6. Vous avez vu ceux à qui leurs rires ont attiré des châtiments, voyez maintenant ceux que leurs pleurs et leurs jeûnes ont sauvés, pensez aux Ninivites. (Jon. 3) Vous avez vu ceux qui, par leurs malédictions, se sont attiré des supplices. Considérez ceux qui, pour leurs paroles de bénédiction, ont reçu des récompenses : « Celui qui te bénit est béni et qui te maudit est maudit. » (Nb. 24,9) « Bénissez ceux qui vous persécutent ; priez pour ceux qui vous outragent, afin que vous soyez semblables à votre Père qui est dans les cieux. » (Mt. 5,41, 45) Comprenez-vous bien qu’il ne faut être ni toujours fermé, ni ouvert pour toutes choses, mais savoir distinguer les temps ? Voilà pourquoi le Psalmiste dit : « Mettez, Seigneur, une garde à ma bouche et à mes lèvres, une porte qui les ferme exactement. » Maintenant, quelle sera cette garde, sinon la pensée redoutable qui montre le feu réservé à ceux dont la bouche est indiscrète. Placez à votre porte le gardien armé des menaces de la conscience, jamais il n’ouvrira cette porte à contre-temps, il saura toujours l’ouvrir à propos pour votre utilité, pour vous assurer des biens innombrables. De là, ce que dit un sage : « Ayez toujours présente à la pensée votre fin dernière et vous ne pécherez jamais. » (Sir. 7,36) Voyez-vous comme ici encore c’est la même pensée ? Pour moi, je la fais plus terrible encore, en conseillant d’envisager non seulement la mort, triais encore ce qui suit la mort. Qu’il en soit ainsi et aucune souillure ne naîtra dans l’âme.
Après le Psalmiste, écoutez celui qui, à son tour, nous dit : « De toutes paroles oiseuses, tu rendras compte au jour du jugement. » (Mt. 12,36) Considérez encore que c’est par là que la mort est entrée dans le monde. Si en effet, la femme n’avait pas eu d’entretien avec le serpent ; si elle n’avait pas accueilli ses paroles, il ne lui aurait fait aucun mal, elle n’aurait pas donné le fruit à son mari, celui-ci ne l’aurait pas mangé. Ce que je dis, ce n’est pas pour accuser la bouche ni la langue ; loin de moi cette intention, mais ce qu’il faut accuser, c’est l’abus, et l’abus vient du relâchement de la pensée. Il y a encore une autre voie de perdition dans la bouche, je parle des baisers honteux, impurs, ou de ceux que donnent la perfidie et la trahison. Mettez aussi une garde pour les prévenir : tel était le baiser de Judas, baiser perfide. Ce n’est pas là ce que Paul recommande, lorsqu’il prescrit aux frères de se donner le baiser mutuel : « Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. » (2Cor. 13,12)