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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/329

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ingrat, sanguinaire, homicide ; un serviteur qui récompense son maître en l’égorgeant. Et, ce qu’il y a de plus triste, ce n’est pas seulement en abandonnant l’homme, que la richesse le jette dans les périls, c’est même avant l’abandon qu’elle le précipite, le bouleverse, le trouble. Cessez donc de regarder cet homme aux vêtements de soie, inondé de parfums, escorté de serviteurs ; ouvrez sa conscience, percez à jour l’âme de ce riche opulent ; vous y découvrirez l’agitation turbulente et désordonnée. Quand vous serez témoins de quelque chute éclatante, comprenez le malheur attaché à la fortune.
3. Car, quoi de plus trompeur que les choses humaines ? je l’ai souvent dit, c’est un fleuve qui coule ; ce sont des eaux que l’on voit et qui passent ; que l’on tient, et qui s’échappent. « Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche ; » recueillez cette parole, ce cantique spirituel. Lorsque l’envie entre dans votre cœur, si cette parole y fait en même temps son entrée, voilà qui suffira pour bannir un mauvais sentiment. « Ne craignez point ; en voyant un homme devenu riche ; » voilà mes remèdes à moi, non pour de l’argent, mais pour le ciel. Je ne soigne pas les corps, je suis le médecin de l’âme. Je ne parle pas seulement de votre âme, mais de la mienne ; si je vous fais la leçon, je n’en suis pas moins un homme, entre nous communauté de nature, communauté d’enseignement.
« Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche. » Prenez ce verset du psaume, comme un trésor et comme un sujet de pensées ; prenez-le comme une racine de richesse et d’opulence. Ce n’est pas d’être riche, c’est de ne pas vouloir être riche, qui constitue la richesse. Comprenez-vous ? qui veut être riche a besoin de possession, a besoin d’argent ; au contraire, qui ne veut pas être riche, est toujours dans l’opulence. « Ne craignez point, en voyant un homme devenu riche, et sa maison comblée de gloire. » « Ne craignez point ; » à quoi bon, dites-moi, craindre les riches ? Comme le riche paraît redoutable, le Prophète explique ce que c’est qu’un riche. Craindre un homme dont tout l’équipement est un feuillage sans fruit ! craindre un homme, qui vit dans l’amertume ! craindre un homme, toujours tremblant ! craindre un homme, qu’accompagne continuellement l’épouvante ! Ton esclave ne te craint pas, en ton absence ; le riche porte partout le maître qui réside en lui ; en quelque endroit qu’il se rende, l’amour de l’argent le suit ; ses parents, ses domestiques, ses amis, ses envieux, ses obligés, tous sont en même temps ses ennemis. Car la haine qu’il réveille est grande. Le pauvre passe sa vie sans craindre personne, attendu que la sagesse et la patience sont toutes ses richesses. Le riche, ne respirant que pour l’accroître ce qu’il a, est odieux à tous, et, dans les réunions publiques, on le voit comme un ennemi ; les visages le flattent, les cœurs le détestent. Et ce qui prouve qu’il en est ainsi ; c’est la chute des feuilles quand le vent a soufflé ; c’est-à-dire, quand il s’est accompli une révolution dans sa fortune ; alors se découvrent les amis fardés ; alors tombent les masques des flatteurs ; alors les comédiens, quittant leurs rôles, se montrent ce qu’ils sont, l’illusion de la scène tombe et laisse voir la réalité. Toutes les bouches se font entendre ce misérable, ce pervers, cet infâme ; que dites-vous ? hier, ne le flattiez-vous pas ? ne lui baisiez-vous pas les mains ? – Je jouais un rôle. L’heure est venue, et j’ai jeté mon masque, et je montre ce que j’avais dans l’âme. Pourquoi donc craindre, répondez-moi, celui que poursuivent tant de voix accusatrices ? à que dis-je ? Plût au ciel que le riche ne s’accusât pas lui-même !
Ce que j’en dis, ce n’est pas pour flétrir la richesse ; j’ai protesté maintes et maintes fois, mais j’accuse l’usage mauvais de ce qui, en soi, est bon. Les richesses et les bonnes œuvres ensemble, voilà qui est bien. Comment cela est-il bien ? Si les richesses soulagent la pauvreté, soutiennent l’indigence ; écoutez Job : « J’ai été l’œil de l’aveugle, le pied du boiteux ; j’étais le père des pauvres. » – (Job. 29,15-16) Voilà les vraies richesses, exemptes de péché, jointes à l’amour des pauvres. « Ma maison a été ouverte à tout venant. » (Job. 31,32) Voilà le véritable usage de la richesse, non pas de la prétendue richesse, mais de la vraie richesse. La prétendue richesse este l’esclave de la vraie richesse ; la première n’est qu’un nom, rien de plus ; l’autre, à la vérité du nom, joint la réalité de la chose. Cette réalité, où est-elle ? Dans la vertu, dans la pratique de l’aumône. Comment cela ? Je vais le dire. Il y a un riche ravisseur de tous les biens et il y a un riche qui donne au pauvre