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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/354

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minutieusement. « Et ils m’ont méprisé. » Ils ont, veut-il dire, transgressé ma loi, abandonné mes préceptes. « Le bœuf connaît celui à qui il appartient et l’âne l’étable de son maître (3). »
Les comparaisons, celles surtout qui sont prises de choses inférieures, ne fout que rendre l’accusation plus vive ; c’est ainsi que le Christ dit : « Les Ninivites se lèveront au jugement avec cette génération et ils la condamneront ;» et en un autre endroit : « La reine du midi se lèvera au jugement avec cette génération et la condamnera, parce qu’elle vint des extrémités de la terre entendre la sagesse de Salomon. » (Lc. 11,31-32) Et Jérémie dit encore : « Allez aux îles de Céthim et jetez les yeux sur Cédar. Envoyez-y pour savoir si ces nations changeront jamais leurs dieux ; mais mon peuple a changé sa gloire et cela ne lui servira de rien. » (Jer. 2,10-11) Il montre que la loi n’est pas dure et combien peu elle exige des hommes, elle que les animaux privés de raison et les plus stupides des animaux observent facilement. – Mais, direz-vous, c’est la nature qui opère en eux. – Ce que la nature accomplit en eux, la volonté libre peut le faire en nous. « Le bœuf connaît celui à qui il appartient. » Ce n’est pas sur l’excellence de ses dons mais sur l’excès de leur malice qu’il fonde son accusation. De même qu’il s’est adressé pour leur confusion à des éléments, de même ce n’est pas à des hommes, mais à des animaux et aux plus stupides des animaux qu’il les compare et il les trouve inférieurs à eux.
3. Ainsi fait Jérémie, lorsqu’il appelle la tourterelle et l’hirondelle (Jer. 8,7), et Salomon lorsqu’il renvoie le paresseux tantôt à la fourmi, tantôt à l’abeille. (Prov. 6,6) « Israël ne m’a pas connu. » Le crime s’aggrave lorsque ce sont des amis intimes, comblés de faveurs, qui, tous ensemble, se précipitent dans le mal. Il ne dit pas mais « Israël », afin que ce nom qui rappelle la vertu du patriarche inspire à ses descendants plus de confusion. A celui-là, sa vertu valut la bénédiction qu’exprime son nom, et ceux-ci par leur malice la rejettent. « Et mon peuple ne m’a pas compris », moi, dit-il, plus éclatant que le soleil. « Malheur ! nation pécheresse (4). » C’est encore là l’habitude des prophètes, de pleurer sur les hommes atteints de maux incurables. Ainsi fait Jérémie en un grand nombre d’endroits ; ainsi le Christ quand il dit : « Malheur à toi, Corozaïn ! malheur à toi, Bethsaïde ! » (Mt. 11,21) C’est encore là une manière d’instruire : car celui que la raison n’a pu ramener, souvent les larmes le ramènent. « Peuple rempli d’iniquités. » Voici qui rend l’accusation plus grave ; ils ont péché tous et jusqu’aux derniers excès. « Race méchante. » Ce n’est pas qu’il leur reproche leur origine, ruais il montre que depuis leur premier âge ils sont pécheurs. Lorsque Jean dit « Serpents, race de vipères (Mt. 3,7) », il n’accuse pas leur nature : car il ne leur eût pas dit : « Faites donc de dignes fruits de pénitence », s’ils avaient été méchants par nature de naissance. De même, en disant ici « race méchante », le Prophète ne leur reproche pas leur naissance. « Fils sans loi ; » il ne dit pas « transgresseurs », mais « sans loi », qui ne valent pas mieux que s’ils n’avaient jamais reçu la loi. Il note ainsi la corruption[1] de la volonté. « Vous avez abandonné le Seigneur et vous l’avez irrité. » Il parle ainsi par emphase, car le nom seul de Dieu suffisait pour justifier l’accusation. Jérémie fait le même reproche en ces termes : « Parce qu’ils se sont éloignés de lui et qu’ils se sont attachés aux « démons. » (Bar. 4,7-8)
« Le saint d’Israël. » Voici encore qui aggrave l’accusation, c’est qu’ils le connaissaient bien comme le Maître de toutes choses. « Ils se sont retournés en arrière (5). Pourquoi vous frapper encore, vous qui ajoutez sans cesse à vos prévarications ? » Quel triste état lorsque les châtiments mêmes ne rendent pas meilleur ! Certes, c’est une des formes du bienfait que la punition. Ils ne pourront pas dire qu’il ne leur a accordé que des honneurs et des biens, et que, quand ils ont péché, il les a abandonnés ; mais par les honneurs il les a attirés, par la crainte des punitions il a voulu les amener à la pénitence, et dans l’un et l’autre cas ils se sont montrés incorrigibles. Il a employé tous les traitements, il a taillé, il a brûlé, et la maladie n’a pas disparu ; ce qui montre que la maladie est incurable, c’est qu’elle soit rebelle aux remèdes. « Toute tête est malade et tout cœur rempli de tristesse (6). Depuis les pieds jusqu’à la tête il n’y a rien de sain en lui, ni blessure, ni tumeur, ni plaie enflammée. » Il rappelle ensuite les punitions

  1. Le texte grec parait ici altéré : au lieu de διαφοράν le sens demanderait διαφθοράν corruption.