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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/356

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dit le Seigneur. J’ai assez des holocaustes de vos béliers ; la graisse des agneaux, le sang des taureaux et des boucs, je n’en veux plus (11). » Le psaume 49 tout entier ressemble à ces passages ; les termes diffèrent, mais les pensées sont les mêmes. Car ce verset du psaume, « Il appellera le ciel d’en haut et la terre pour juger son peuple », ressemble à celui-ci : « Écoute, ciel, et toi, terre, prête l’oreille, parce que le Seigneur a parlé ; » et le reste ne se ressemble pas moins. Si David dit : « Je ne vous reprendrai point pour vos sacrifices, car vos holocaustes sont toujours devant moi », Isaïe dit de même : « Qu’ai-je à faire de la multitude de vos sacrifices ? dit le Seigneur. » David dit encore : « Je ne recevrai point avec plaisir de votre maison les veaux, ni de vos troupeaux les boucs. » Et Isaïe : « Les holocaustes des béliers, la graisse des agneaux, le sang des taureaux et des boucs, je n’en veux plus. » Comme on leur reprochait continuellement de manquer de vertu, et qu’ils répondaient pour toute justification qu’ils offraient continuellement des sacrifices, ces deux prophètes, ou plutôt tous les prophètes leur ôtent ce moyen de défense. D’où il est évident que ces sacrifices étaient institués non pour eux-mêmes, mais pour conduire les hommes à d’autres œuvres de vertu. Mais parce qu’ils négligeaient les choses nécessaires pour s’arrêter à ces observances, Dieu déclare qu’il ne les acceptera plus. « Pas même lorsque vous viendrez en ma présence (12). » Lorsque vous viendrez au temple, veut-il dire. « Car qui a réclamé ces choses de vos mains ? » Et cependant tout le Lévitique roule là-dessus et règle ce qui regarde les sacrifices. Et dans le Deutéronome comme en bien d’autres livres, on trouve çà et là quantité de lois sur ce sujet. Comment peut-il donc dire : « Quia réclamé ces choses de vos mains ? » C’est pour vous apprendre que Dieu n’avait pas fait cette législation pour ce qu’elle valait par elle-même, mais pour condescendre à la faiblesse des Juifs. De même qu’il ne voulait pas que la femme, une fois unie à l’homme, pût être répudiée, et qu’il le permit cependant pour éviter de plus grands maux, pour empêcher que les hommes ne tuassent leurs femmes, si, tout en les haïssant, ils étaient obligés de les garder chez eux ; de même ici, pour empêcher que les Israélites ne sacrifiassent aux démons, il voulut bien recevoir ce qui ne lui plaisait pas, afin que ce qui lui plaisait se fit. C’est ce que le prophète Amos nous montre par ces paroles : « M’avez-vous offert des sacrifices et des victimes pendant les quarante ans du désert ? » Jérémie dit aussi : « Ce n’est pas là ce que j’ai commandé à vos pères. »
5. Comme c’est de cette manière qu’on honorait les démons, c’est pour ôter aux faibles tout sujet de scandale qu’il parle ainsi par tous les prophètes. Les démons se fâchaient contre ceux qui ne leur offraient pas ces sacrifices, et toujours on nous les représente demandant la graisse et la fumée et disant : « C’est l’honneur qui nous est attribué[1]. » Dieu au contraire ne demanda point dans le principe ces sacrifices, et quand il les ordonna, il fit voir que ce n’était pas pour lui-même qu’il les permettait, et une autre preuve encore, c’est qu’il y mit bientôt fin et que quand on les lui offrait, il ne les acceptait pas ; en un mot, il nous montra par tous les moyens possibles que ce mode d’adoration était indigne de la grandeur de son culte. Il nous veut donc dire maintenant : J’ai toléré ces choses à cause de vous, mais je n’en avais pas besoin. « Vous ne viendrez plus fouler mes parvis. » Ou bien il prédit la captivité, ou bien il leur défend d’entrer clans ses parvis, parce qu’ils ne le faisaient pas avec un cœur droit. « Si vous m’offrez de la farine, c’est inutile (13). » Car parmi les commandements, les uns ont leur raison d’être en eux-mêmes, les autres en d’autres choses ; par exemple, connaître Dieu, ne pas tuer, ne pas commettre d’adultère, etc, tous ces commandements nous sont ordonnés pour eux-mêmes et pour l’utilité qu’ils renferment ; au contraire, offrir des sacrifices, apporter de l’encens, garder le sabbat et autres choses semblables, tous ces commandements ne furent pas donnés simplement et absolument pour les choses qu’ils prescrivaient, mais pour que leur observation éloignât les Israélites du culte des démons. Mais puisqu’ils gardaient ces derniers préceptes sans en recueillir le fruit et qu’ils n’en étaient pas moins attachés aux démons, c’est avec raison que Dieu rejette ces observances ; car c’est avec raison que l’on abat un arbre, qui se charge de feuilles et de branches, mais qui ne porte point de fruits. Car si le cultivateur donne ses soins à un arbre, ce n’est pas

  1. Τὸ γὰρ λὑ χομεω γέρας ἡμεῖς (Homère, 4,49)