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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/359

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mais de l’ingratitude de l’âme, ce qui est bien pire que l’autre prostitution. Là c’est sur l’homme, ici sur Dieu que retombe l’injure. Et si Isaïe et les autres prophètes parlent ainsi, c’est que Dieu avait daigné se laisser regarder comme l’époux de cette ville pour montrer son ineffable charité pour les Juifs, et les prophètes parlent souvent du Seigneur et de Jérusalem comme d’un époux et d’une épouse, non pas pour abaisser leur discours jusqu’à la grossièreté humaine, mais pour amener les Juifs par des exemples familiers à la connaissance de l’amour de Dieu ; en même temps ils voulaient, par cette appellation honteuse de prostituée, les porter à rougir d’eux-mêmes. « Fidèle », c’est-à-dire religieuse et pleine de vertu : ce qui montre encore qu’il ne parle pas de la prostitution des corps, puisque autrement il aurait dû dire la ville chaste ; car ce mot eût été opposé à prostituée ; mais pour montrer que par prostitution il voulait désigner l’impiété, il se sert du mot opposé, la foi. « Pleine d’iniquité », c’est-à-dire de justice. Voici encore une bien grande accusation portée contre ce peuple, non seulement il s’était précipité dans toute sorte d’iniquités, mais il avait abandonné toutes les vertus, ce trésor précieux de tous les biens qu’il tenait dans ses mains, il l’avait rejeté pour se réduire aux plus affreuses misères. « Dans laquelle « habitait la justice. » Elle y restait, dit-il, elle y demeurait, c’est-à-dire, elle y était plantée, enracinée, et les citoyens mettaient toute leur ardeur à la garder. En insistant sur les louanges du passé, il fait mieux ressortir ce que, le changement avait de coupable, il rend en même temps de l’espoir puisqu’il montre aux pécheurs qu’il serait facile de regagner ce qu’ils ont perdu. « Et maintenant c’est la demeure des meurtriers ; » des homicides, veut-il dire. « Votre argent est impur (22) », c’est-à-dire de faux aloi, altéré, mélangé. « Vos marchands mélangent leur vin d’eau. » Couine dès l’abord il n’a pas signalé leur méchanceté dans chacune de ses espèces, mais qu’il leur a dit, d’une manière générale, qu’ils sont des contempteurs, une race perverse, dés fils impies, termes qui ressemblent plus à des injures qu’à une accusation, il indique ici les diverses espèces de leurs crimes, et place en premier lieu ce qui est au commencement, au milieu et à la fin des péchés, l’amour de l’argent et la fraude dans les contrats. Quelques-uns ne comprenant pas l’ineffable charité de Dieu, ont pris ce terme dans le sens apagogique. Jamais, disent-ils, le grand, le sublime Isaïe n’aurait parlé des tromperies des banquiers, des ruses des cabaretiers ; mais il appelle argent les oracles de Dieu, et vin sa doctrine qu’ils mélangeaient de leurs commentaires. Pour moi, sans rejeter cette interprétation, je dis que l’autre est plus vraie, non seulement il n’est pas indigne d’un prophète de parler de ces choses, mais cela est très-digne et de lui et de la charité de Dieu. Et pourquoi m’étendre sur ce point ? Lorsque le Fils unique de Dieu vint nous apporter ses enseignements sublimes et implanter sur notre terre la vie pure des anges, il parla bien souvent des mesures, et de choses qui paraissent plus petites encore, des salutations, de la place du milieu, du premier rang. Ces choses qui paraissent petites, si elles sont négligées, deviennent la source de grands péchés. Mais si toutes ces choses devaient être réglées dans le Nouveau Testament, à plus forte raison dans l’Ancien, alors que les auditeurs étaient plus grossiers, et que toute leur vie se bornait à suivre ces lois, puisqu’ils avaient été instruits surtout à s’éloigner de toute injustice, à ne faire aucun tort au prochain, à ne pas écraser la pauvreté des indigents par les mélanges frauduleux.

8. Le mépris de ces lois fut cause que souvent des villes furent renversées, des rois précipités du trône, des guerres implacables allumées, et leur observation amena plus d’une fois la paix, l’ordre et la sécurité nécessaire à la vertu. « Vos princes sont indociles (23). » C’est une preuve que la maladie, que la perversité est bien grande, quand les médecins même travaillent à l’augmenter. C’est aux rois de réprimer les mauvais instincts de leurs peuples, de les diriger vers le bien, et de les rendre soumis aux lois ; mais quand eux-mêmes les premiers ils les enfreignent, comment peuvent-ils enseigner aux autres la soumission ? En disant « sont indociles », il veut dire, n’obéissent pas à la loi, rejettent le joug des préceptes ; c’est aussi ce que leur reproche saint Paul en disant : « Toi qui instruis les autres, tu ne t’instruis pas toi-même ? » (Rom. 2,21) Quand donc la racine est corrompue, qu’attendre de bon des rameaux ? « Ils sont les « complices des voleurs. » Voici qui aggrave la faute, c’est que, loin d’empêcher les crimes,