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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/417

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tu mêles ce qui se fait là-bas aux rites de l’Église : voilà pourquoi par des cris indistincts tu trahis le désordre de ton âme. Comment donc pourras-tu demander la rémission de tes péchés ? comment pourras-tu attirer sur toi la miséricorde du Maître, quand c’est avec une pareille négligence que tu lui présentes ta requête. « Dieu ayez pitié de moi », dis-tu, et tu montres des dispositions faites pour éloigner la pitié. « Sauvez-moi », cries-tu, et tu affectes une posture propre à écarter le salut. De quoi servent pour la prière ces mains continuellement élevées en l’air ou balancées indécemment, ces cris violents, ces efforts de voir qui ne font que rendre la parole indistincte ? N’est-ce point ainsi que se tiennent les prostituées des carrefours ? N’est-ce point ainsi que crient les acteurs dans les théâtres ? Comment peux-tu donc à ces angéliques hommages mêler les jeux des démons ? Comment ne rougis-tu point lorsque tu t’entends proférer toi-même cette parole : « Servez le Seigneur dans la crainte et célébrez-le avec tremblement. » (Ps. 2,11) Est-ce le servir avec crainte, que de se laisser ainsi aller à la dissipation, aux mouvements déréglés, que de ne pas savoir toi-même ce que signifient ces éclats désordonnés de ta voix ? C’est là le fait de ce mépris, non de la crainte, de l’arrogance, non de l’humilité ; c’est se divertir, plutôt que louer Dieu, qu’est-ce donc que servir Dieu dans la crainte ? C’est apporter, fidèle en tout aux recommandations divines, de la crainte et du recueillement à l’exécution de celle-ci, c’est offrir ses prières avec un cœur contrit et une âme humiliée. Et ce n’est pas seulement de le servir dans la crainte, c’est encore de se réjouir en lui, avec tremblement que l’Esprit-Saint nous prescrit par la bouche du Prophète. En effet, comme en général, l’accomplissement d’un devoir produit de la joie chez l’homme vertueux, il a soin de dire que, en ce qui regarde ce devoir particulier, il convient de l’accomplir avec crainte et tremblement, de peur qu’en nous abandonnant au relâchement de la sécurité nous ne perdions le fruit de nos peines, et qu’en même temps nous n’excitions la colère divine. Mais comment faire, dira-t-on, pour se réjouir avec tremblement ? Ces deux choses ne sauraient se trouver réunies, tant est grande la différence qui les sépare. On appelle joie la satisfaction des désirs, la jouissance des choses qui plaisent, l’oubli de celles qui chagrinent ; crainte, au contraire, cette appréhension des maux prévus, à laquelle est en proie une conscience qui s’accuse. Comment donc peut-on se réjouir avec crainte, et non seulement avec crainte, mais encore avec tremblement, ce qui est un redoublement de crainte et un signe de mortelles angoisses.
Comment cela se peut-il faire, dites-vous ? Les séraphins eux-mêmes vous l’enseignent : car c’est ainsi qu’en fait ils s’acquittent de leur ministère. Ces êtres qui jouissent de l’ineffable gloire du Créateur, qui contemplent son incomparable beauté (non sans doute telle qu’elle est réellement : car nulle créature ne saurait la comprendre, ni la contempler, ni la figurer, et il serait absurde de s’en faire cette idée ; mais autant qu’ils en sont capables, autant qu’il leur est donné de percevoir la lumière des rayons éternels) ; ces êtres donc, continuellement occupés de leur ministère autour du trône royal, vivent dans une joie perpétuelle, dans un éternel contentement, dans une allégresse incessante, toujours tressaillant de plaisir, et chantant les louanges du Très-Haut. Être en présence d’une telle gloire, être inondés par la splendeur qui en jaillit, voilà leur joie, voilà leur allégresse, leur bonheur, leur gloire. Peut-être cela vous charme-t-il, peut-être le désir de cette gloire s’allume-t-il en vous.
3. Eh bien ! si vous voulez écouter celui qui vous exhorte, et prendre part avec respect aux louanges qui se chantent ici-bas, vous ne serez point privés de cette joie incomparable ; car c’est le même Dieu qu’on célèbre sur terre et dans les cieux. « Le ciel et la terre », dit l’Écriture, « sont remplis de ses louanges. » (Is. 6,3) Comment donc ces êtres qui jouissent d’un tel contentement peuvent-ils y mêler de la crainte ? Écoutez ce que dit le Prophète : « J’ai vu le Seigneur assis sur un trône élevé et sublime. » Pourquoi après avoir dit qu’il est élevé, l’appelle-t-il encore sublime ? Est-ce que le mot « élevé » ne suffisait point pour peindre la chose, et montrer ce qu’a d’éminent une pareille majesté. Pourquoi donc ajouter « sublime. ? » C’est pour montrer ce que ce trône a d’incompréhensible. En effet chez nous le mot « élevé » implique l’idée d’une comparaison avec les objets bas et inférieurs : par exemple, les montagnes sont élevées relativement aux plaines et aux endroits creux, le ciel est élevé puisqu’il domine toutes