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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/438

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la terre, ne bouleversa point le ciel. Seulement mie lèpre se montra, justement sur le front, et non ailleurs, afin que le visage portât la marque du châtiment, afin que le décret divin y restât gravé comme sur une colonne. En effet, ce n’est pas en vue d’Ozias que cet événement arriva, mais en vue de la postérité. Dieu pouvait lui infliger un supplice proportionné à son crime : il ne le voulut pas : il aima mieux graver, pour ainsi dire, à la vue de tous la loi suivante : N’agissez pas comme lui, si vous ne voulez pas être châtiés comme lui, Ozias sortit de là comme une loi vivante : et son front parlait plus haut que le son d’une trompette. – Ce front portait gravés des caractères ineffaçables, non point tracés avec l’encre (on aurait pu les faire disparaître) : la nature même avait scellé sur ce front l’impureté destinée à la purification des autres hommes. – Et comme les condamnés qu’on emmène ont une corde passée dans la bouche ainsi Ozias, en guise de corde, avait, en s’en allant, une lèpre sur le front, châtiment de son attentat contre le sacerdoce. Ce que j’en dis n’est point dirigé contre les rois, ruais seulement contre ceux qu’enivrent l’orgueil et la fureur : je veux vous montrer seulement que le sacerdoce est supérieur à la royauté.
6. Quand l’âme a péché, Dieu punit toujours le corps. C’est ce qu’il fit à l’égard de Caïn. – L’âme de celui-ci s’était rendue coupable d’un meurtre : ce fut son corps qui fut frappé ; et cela se conçoit : « Tu seras sur la terre », est-il écrit, « gémissant et tremblant. » Et Caïn allait çà et là, parlant à tous, éloquent, instructif dans son silence. Sa langue restait muette mais ses membres criaient et révélaient à tous le motif pour lequel il gémissait, il tremblait J’ai tué mon frère, j’ai commis un meurtre. Moïse, plus tard, parlait par l’Écriture : lui, il allait parlant à tous par ses actions, et répétant : « Tu ne tueras point. » Voyez-vous cette bouche qui se tait, et ce fait qui parle ? voyez-vous marcher cette loi vivante ? voyez-vous cette table de loi qui circule ? voyez-vous ce châtiment qui en prévient d’autres ? ce supplice qui devient une occasion d’enseignement ? voyez-vous le péché dans cette âme, et la punition infligée à ce corps ? Il ne faut pas s’en étonner. Ainsi il advint de Zacharie : son âme pécha, et sa langue fut liée. Pour avoir mal usé de cet organe, Zacharie qui avait proféré la parole coupable fut puni : et une lèpre envahit le visage d’Ozias qui avait péché, afin de le corriger. Il sortait donc du temple, ce roi, comme un exemple pour tous, et le temple fut purifié : il fut chassé, sans que personne lui fît violence : il voulait usurper le sacerdoce, et il perdit ce qui lui appartenait. Il sortait donc du temple. C’était dans l’ancien temps, une loi, que tout lépreux fût chassé de la ville : il n’en est plus de même aujourd’hui. Pourquoi ? c’est qu’à l’époque où Dieu n’avait affaire, pour ainsi dire, qu’à de petits enfants, la lèpre était celle du corps : aujourd’hui c’est la lèpre de l’âme dont il est question.
Il s’en allait, ce roi lépreux : et personne n’osait le chasser de la ville, par considération pour son diadème et pour son pouvoir : il resta sur son trône et recommença à enfreindre la loi. Que fit Dieu ? Dans son courroux contre les Juifs, il interrompit les prophéties. Dans tout ce qui précède j’ai eu en vue la parole du Prophète, afin d’acquitter ma dette. Mais revenons à notre sujet. – Le roi lépreux sortit du temple. On aurait dû le bannir de la ville comme impur, suivant la coutume. Mais le peuple souffrit qu’il restât dans son palais et sur son trône, et n’osa proférer la moindre parole qui attestât son indépendance. Alors Dieu se détourna d’eux, et suspendit le bienfait des prophéties. Rien de plus juste : ils avaient enfreint sa loi, ils avaient craint de bannir un homme impur : alors Dieu interrompit les prophéties. « Et la parole était précieuse alors, et il n’y avait point de prophétie. » En d’autres termes, Dieu ne leur parlait plus par la bouche des prophètes : car l’Esprit-Saint, qui dictait aux prophètes leurs paroles, avait cessé de les inspirer, du jour où les Juifs avaient souffert au milieu d’eux un homme impur : la grâce de l’Esprit n’agissait plus sur un peuple souillé.
Voilà pourquoi il ne visitait pas les prophètes, ne leur apparaissait point, restait muet et caché. Pour éclaircir ce que je dis, je me servirai d’un exemple. Supposez un homme qui, mortellement offensé par une personne qu’il aime, lui dit : Tu ne me verras plus, je ne te parlerai plus. Ainsi fit Dieu dans cette occurrence. Les Juifs l’avaient irrité en ne bannissant point Ozias : Je ne parlerai plus à vos prophètes, leur dit-il, je cesse de vous envoyer la grâce de l’Esprit. Que de clémence dans ce châtiment ! il ne lance point la foudre, il n’ébranle pas la ville jusque dans ses fondements : Vous