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Page:Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 6, 1865.djvu/594

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dehors du temps ; mais j’ai appris que le mode de cette génération doit être honoré par le silence et ne peut être l’objet d’une curiosité indiscrète. Car, lorsqu’il s’agit de Dieu, il ne faut pas nous arrêter à la nature des choses, mais croire à la puissance de Celui qui agit. C’est une loi de la nature qu’une femme mette au monde après qu’elle a contracté mariage ; mais si une vierge, sans connaître le mariage enfante et ensuite reste vierge, ceci est au-dessus de la nature. Que l’on scrute ce qui est conforme à la nature, j’y consens ; mais on doit honorer par le silence ce qui est au-dessus de la nature, non parce qu’if faut s’éloigner de tels sujets, mais parce qu’ils sont ineffables et dignes d’être célébrés autrement que par des paroles.
Mais accordez-moi, je vous prie, la permission de mettre fin à ce discours dès l’exorde. Car, je redoute de m’élever jusqu’à cette région des choses dont il n’est point permis de parler et je ne sais de quel côté ni comment diriger le gouvernail. Que dirai-je, ou comment pourrai-je parler ? Je vois une mère qui enfante, je contemple un fils mis au monde, mais j’ignore le mode de cette génération lorsque Dieu veut, la nature est vaincue, les limites de l’ordre établi dans la nature sont franchies. Rien n’arrive ici selon l’ordre de la nature, mais un miracle s’accomplit au-dessus des lois de la nature. La nature n’a point agi ; la volonté du Seigneur a opéré. O grâce qui surpasse tout langage ! Le Fils unique, qui est avant tous les siècles, que le sens du toucher ne peut atteindre, qui est simple, incorporel, a revêtu un corps mortel et visible comme le mien ! Et pour quelle cause, sinon pour que son aspect nous enseigne, et qu’ainsi enseignés il nous conduise par la main vers les choses invisibles ? Parce que les hommes ont plus de confiance dans ce que leurs yeux voient que dans ce que leurs oreilles entendent, et qu’ils hésitent lorsqu’ils n’ont point vu, il a voulu parler aux yeux par le moyen de son corps, de telle sorte que tout prétexte fût enlevé à l’incrédulité. Il naît d’une vierge qui ne connaît point ce qui a rapport à la génération, qui n’a point coopéré à ce qui s’accomplit, qui n’a eu rien contribué à ce qui est fait, ruais qui est un simple instrument de la puissance ineffable et qui sait seulement ce qu’elle a appris de Gabriel en l’interrogeant. « Comment cela se « peut-il faire puisque je ne connais point d’homme ? » (Luc. 1, 34) Ce à quoi il répond : Voulez-vous le savoir ? « L’Esprit-Saint descendra en vous et la puissance du Très-Haut vous couvrira de son ombre. » (Id. 35) Or, comment le Seigneur était-il avec elle et, bientôt après, recevant d’elle la naissance ? De même que l’artisan qui trouve une matière très-belle et parfaitement disposée en fabrique un vase merveilleux, ainsi le Christ trouvant le corps saint et l’âme de la Vierge se construit un temple animé, il forme dans son sein l’homme tel qu’il l’a résolu, se revêt de cette nature humaine et se manifeste aujourd’hui, n’ayant point rougi de la difformité de notre nature. Ce n’a pas été pour lui un opprobre de se revêtir de son propre ouvrage, et c’était pour son œuvre une gloire éclatante que celle de devenir le vêtement de Celui qui l’avait faite. De même que dans la première formation il était impossible que l’homme existât avant que la terre dont il fut fait vînt entre les mains de son Créateur, ainsi il était impossible que le corps corruptible de l’homme reçût une nouvelle nature avant que Celui qui l’avait faite s’en fût revêtu.
Que dirai-je donc ou comment parlerai-je[1] ? Ce mystère me frappe d’admiration. L’Ancien des jours devient enfant ; Celui qui est assis sur un trône élevé et inaccessible repose dans la crèche ; Celui que le sens du toucher ne peut connaître, qui est simple, sans composition de parties et qui n’a point de corps est touché par des mains humaines ; Celui qui brise les liens de l’iniquité est retenu dans les liens que forment ses langes, parce qu’il l’a ainsi voulu. Il a résolu de changer l’ignominie en honneur, l’infamie en un titre de gloire, l’outrage extrême en une preuve de vertu. C’est pourquoi il a pris mon corps, afin que je puisse porter en moi son Verbe ; et prenant ma chair, il m’a donné son Esprit, afin que donnant et recevant il puisse amasser pour moi un trésor de vie. Il a pris ma chair, afin de me sanctifier ; il m’a donné son Esprit afin de me sauver.
Mais, encore une fois, que dirai-je ou comment parlerai-je ? « Voici qu’une vierge concevra. » (Isa. 7,14) Ce n’est plus désormais une chose à venir dont il est parlé ; c’est une chose accomplie qui est proposée à notre admiration. C’est parmi les Juifs que s’est

  1. Ce qui suit est cité par saint Cyrille dans son livre aux Reims.