Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/163

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vifs sur ce point, qu’il y a de la cruauté à être si peu sensibles aux malheurs extrêmes de la Patrie.

13. Traiterons-nous de sanguinaire et d’inhumain le beau-frère[1] même de Lentuliis, pour lui avoir dit en face avant-hier, qu’il méritoit de perdre la vie, et qu’autrefois, sur de moindres accusations, Fulvius son aïeul, et un des fils de Fulvius, encore à la fleur de l’âge, n’avoient pu éviter le dernier supplice ? Tout le crime[2] de ce jeune homme étoit d’être venu par l’ordre exprès de son père, parler au Sénat : Fulvius, de quoi l’accusoit-on ? D’avoir voulu, comme Lentulus, sapper les fondemens de cet Empire ? Il ne s’agissoit que d’une dispute, où l’un des partis vouloit que l’on fit des largesses, et l’autre s’y opposoit. Alors l’illustre aïeul de Lentulus, ne pouvant souffrir que la République perdît de ses droits, poursuivit Gracchus les armes à la main, et reçut une dangereuse blessure. Aujourd’hui pour la détruire cette même République, le petit-fils appelle les Gaulois, excite les esclaves à la révolte, commande à Céthégus d’égorger les Sénateurs, charge Gabinias de faire main-basse sur tous les autres Citoyens, ordonne à Cassius de brûler Rome, livre toute l’Italie à la fureur de Catilina ; et vous craindrez, après un attentats si horrible, qu’on ne vous reproche trop de sévérité ! Ah ! bien plutôt craignez que moins de sévérité envers les coupables ne passe pour une cruauté envers la Patrie.

  1. L. Julius César. Il est nommé dans mon texte. Mais je crains, si je le nommois, qu’un lecteur peu attentif, et qui n’a pas toujours la patience de lire une remarque au bas de la page, ne le confondît avec C. Julius César, dont il est souvent parlé dans le cours de cette Harangue.
  2. Voyez Appien, de Bello Civ. lib. i.