Page:Cicéron, Démosthène - Catilinaires, Philippiques, traduction Olivet, 1812.djvu/87

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avoit déjà envoyé des armes, des haches, des faisceaux, des trompettes, des étendards et même son Aigle d’argent, cette Divinité, qui avoit de sacriléges autels dans sa maison ? Un homme donc qui partoit actuellement pour nous faire la guerre, on dira que je l’aurai exilé ? Apparemment, ce n’est point à lui qu’obéissent les troupes campées sous[1] Fésule. Vous verrez qu’elles sont au Centurion Mallius, qui de son chef déclare la guerre au peuple Romain : que Catilina n’y a point de part : qu’il n’est point attendu au camp : et que bien loin de s’y rendre, ce prétendu exilé va droit à Marseille, comme le bruit en court.

VII. Triste condition, que d’avoir non-seulement à conduire, mais à sauver une République ! Quoi ! si la peur venoit s’emparer de Catilina, mainienant que je l’ai mis en déroute, non sans beaucoup de travaux et de périls ; si changeant tout-à-coup de pensée, il renonçoit à sa détestable faction : si tout-à-coup se détournant du chemin qui le mène à une guerre criminelle, il prenoit effectivement le parti de s’exiler : dans ce cas-là, on ne diroit pas que je l’ai prévenu, désarmé, effrayé, désespéré ; on diroit que c’est un homme innocent, qui a été banni par les menaces et par la violence du Consul. Au lieu de le regarder comme un scélérat, on trouveroit qu’il mérite d’être plaint ; et moi, au lieu de passer pour un Consul trés-zélé, je ne serois qu’un très-cruel tyran.

15. Je veux bien, Romains, que la haine et l’injustice s’acharnent sur moi, pourvu qu’à ce prix-

  1. Fæsulæ, anjourd’hui Fiesoli, ville de Toscane, à laquelle ou donne Atlas pour fondateur, selon Politien d’après Bocace.