Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/176

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trouveraient à Messine. Là ils me firent savoir qu’ils étaient retenus par le préteur ; alors je les assignai comme témoins, et je fis donner leurs noms à Métellus : eh bien ! malgré leur désir de se rendre à Rome, et les injustices dont ils ont à se plaindre, ils ne sont pas encore venus. Tels sont les droits de nos alliés, qu’il ne leur est même pas permis de déplorer leurs malheurs ! Vous avez déjà entendu la déposition d’un autre Héraclius de Centorbe, jeune homme distingué par son mérite et sa naissance. Au moyen de fausses et malveillantes imputations, on lui avait réclamé cent mille sesterces. Verrès, à l’aide d’un compromis où les deux parties consignèrent une amende, vint à bout de lui en extorquer trois cent mille. Un jugement favorable à Héraclius ayant été rendu sur le compromis par un citoyen de Centorbe, juge entre deux de ses concitoyens, il le déclara nul ; il décida que le juge avait mal jugé ; il lui défendit de siéger au sénat, de paraître dans les lieux publics ; il déclara qu’il ne l’autoriserait pas à poursuivre pour injures quiconque l’aurait frappé ; que, s’il était lui-même poursuivi, il lui nommerait un juge parmi les officiers de sa suite ; qu’enfin il ne lui donnerait action pour aucune affaire. Telle fut l’autorité de Verrès, que personne ne frappa ce citoyen, quoiqu’un préteur le permît en termes exprès, et y engageât réellement ; personne ne le poursuivit, quoique Verrès eût autorisé par son édit la licence de la calomnie. Mais cette dégradation ignominieuse pesa sur la victime tant que Verrès resta en Sicile. Une fois les juges effrayés par ces rigueurs nouvelles et sans exemple, croyez-vous qu’il y ait eu en Sicile un seul jugement qu’il n’ait dicté ? Vous semble-t-il qu’il n’ait eu que le dessein d’enlever, comme il l’a fait, une somme à Héraclius ? ou ne voulait-il pas, ce qui lui offrait un butin immense, devenir, sous prétexte de rendre la justice, seul maître des biens et de la fortune de tous ?

XXVIII. Quant aux jugements pour crime capital, qu’est-il besoin de recueillir chaque fait et chaque cause ? Dans une foule de traits de même nature, je choisirai ceux qui m’offriront la perversité la plus signalée. Un certain Sopater d’Halicye, un des citoyens les plus riches et les plus distingués de cette ville, est accusé d’un crime capital par ses ennemis devant le préteur C. Sacerdos ; il parvient sans peine à se justifier, et il est absous. Les mêmes ennemis dénoncèrent à C. Verrès, qui avait succédé à Sacerdos, le même Sopater, et pour la même cause.. Celui-ci croyait l’affaire peu embarrassante, et parce qu’il était innocent, et parce qu’il ne pensait pas que Verrès osât infirmer un jugement de Sacerdos. L’accusé est cité : la cause se plaide à Syracuse : l’accusateur reproduit les griefs, déjà détruits par la défense et par un jugement. Sopater avait pour défenseur Q. Minucius, chevalier romain, fort distingué et fort honorable, et qui ne vous est pas inconnu. Rien, dans la cause, ne semblait devoir inspirer des craintes, ou même le moindre doute. Cependant l’affranchi de Verrès, ce même Timarchide, son agent, et, comme vous l’avez appris de beaucoup de témoins dans la première action, son entremetteur, son ministre pour toutes ces sortes d’affaires, va trouver Sopater ; il l’avertit de ne pas trop compter sur le jugement de Sacerdos, ni sur la bonté de sa cause ; il ajoute que ses accusateurs et ses ennemis ont