Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/188

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si l’on en croit l’inscription, la Sicile entière ; entre vous, dis-je, et un Sicilien condamné par vous, protecteur de la Sicile ! À lui, de nombreuses cités de Sicile, soit par leurs témoignages, soit par des députations expresses, décernent des éloges au nom de tous ; à vous, le protecteur prétendu de tous les Siciliens, une seule ville, Messine, qui s’est associée à vos rapines et à vos infamies, vous rend le même hommage, et toutefois d’une façon si nouvelle que les députés vous accusent, pendant que la députation vous loue : toutes les autres villes, par des lettres, des députations, des témoignages revêtus d’un caractère public, vous accusent, se plaignent, vous confondent, persuadés que, si vous êtes absous, leur ruine est consommée.

XLVII. Et c’est aux dépens d’un tel homme, c’est avec ses biens, que vous avez érigé sur le mont Éryx un monument de vos turpitudes et de vos cruautés, où vous avez fait graver le nom de Sthénius de Thermes ! J’ai vu ce Cupidon d’argent avec la lampe. Pour quel motif employer à cet usage l’amende payée par Sthénius ? Vouliez-vous donc avoir un monument de votre cupidité, un trophée de votre victoire sur l’amitié et l’hospitalité, ou un témoignage de votre coupable amour ? Ainsi font les hommes profondément corrompus, que charment non seulement leurs passions et leurs voluptés, mais la renommée de leur corruption même, et qui s’étudient à laisser en plusieurs endroits des traces et des vestiges de leurs crimes. Verrès était consumé d’amour pour la femme de son hôte ; pour elle il avait violé les droits de l’hospitalité : on le savait à cette époque, c’était trop peu ; il voulait en perpétuer à jamais la mémoire. Aussi, du produit même de cette victoire que, sur l’accusation d’Agathinus, il avait remportée, il crut devoir surtout une offrande à Vénus, cause première de toute l’accusation et du jugement. Je pourrais croire, Verrès, à votre reconnaissance envers les dieux, si vous aviez fait ce don à Vénus, non sur les biens de Sthénius, mais sur les vôtres : vous le deviez d’autant plus que, cette année-là même, vous aviez recueilli la succession de Chélidon. Quand je n’aurais pas accepté cette cause à la prière de tous les Siciliens ; quand toute la province ne m’aurait pas demandé ce service ; quand mon zèle et mon amour pour la république, l’offense faite à la réputation de notre ordre et de nos tribunaux ne me l’eussent pas imposé ; quand je n’aurais eu d’autre motif que d’avoir vu Sthénius, mon ami et mon hôte, Sthénius qui m’avait été si cher dans ma questure ; pour qui j’avais conçu une si vive estime ; que j’avais trouvé si zélé et si empressé pour ma réputation ; de l’avoir vu, dis-je, outragé par vous avec tant de cruauté, de scélératesse et d’infamie : n’était-ce pas assez de ce motif pour me charger de la haine du plus pervers des hommes, en défendant la vie et la fortune de mon hâte ? Ainsi en ont agi beaucoup d’autres du temps de nos ancêtres ; ainsi, dernièrement encore, un citoyen des plus illustres, Cn. Domitius, s’est porté accusateur de M. Silanus, personnage consulaire, pour venger les injures d’un habitant de la Gaule Transalpine, Égritomare, son hôte. Oui, je me croirais digne de suivre cet exemple d’amitié et de dévouement au devoir, et de donner à mes amis et à mes hôtes l’espérance et la conviction qu’avec mon