Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/19

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non, il n’a pu saisir en vertu de l’édit ; non, il n’a point saisi. Quand j’aurai prouvé ces trois points, je conclurai.

XI. Vous n’avez pas eu de motif pour requérir la saisie. Quelle en est la preuve ? C’est que Publius ne devait rien à Névius, ni comme associé, ni pour son compte particulier. Quel témoin dépose de ce fait ? Celui même qui nous poursuit avec tant d’acharnement. C’est vous, Névius, oui, c’est vous-même que j’appelle ici en témoignage. Publius a vécu avec vous dans la Gaule pendant un an et plus après la mort de son frère. Faites-nous voir que vous lui avez demandé cette somme, énorme sans doute, que vous réclamez ; prouvez-nous que vous ayez dit qu’elle vous était due : je conviendrai qu’il vous la devait. Caïus Quintius meurt. Il vous devait, dites-vous, beaucoup d’argent, et vous aviez des titres authentiques. Son héritier Publius se rend auprès de vous dans la Gaule, sur les terres de la société ; dans le lieu enfin où était non-seulement le bien, mais tous les comptes et toutes les écritures. Est-il un homme si dépourvu d’ordre et d’économie, si peu attentif à ses affaires, si différent, Névius, de ce que vous êtes, qui, voyant les droits de son associé passer entre les mains d’un héritier, ne se hâtât, des la première entrevue, d’avertir cet héritier, de lui présenter sa réclamation, de lui communiquer les comptes, et, si l’on n’était point d’accord, déterminer le différend soit à l’amiable, soit en justice ? Eh, quoi ! ce que font les hommes les plus délicats, ceux qui tiennent le plus à la réputation de chérir et d’honorer leurs parents et leurs amis, Sextus Névius balancerait a le faire, dévoré, comme il l’est, par la cupidité ; résolu comme il l’est, à ne pas abandonner la moindre de ses prétentions, afin de ne pas laisser à son proche parent la moindre partie de sa fortune ? Il n’eût pas exigé le payement d’une dette légitime, celui qui, furieux de ce qu’on ne lui a pas payé ce qu’on ne lui dut jamais, veut arracher a un parent non-seulement ses biens, mais encore sa vie et son existence ? Vous craigniez sans doute de troubler le repos d’un homme auquel vous ne permettez pas aujourd’hui de respirer librement. Vous ne vouliez pas adresser une demande polie à celui que vous voulez maintenant immoler sans pitié. Oui. je le crois : vous ne voyiez en lui qu’un allié plein d’égards pour vous, un homme d’honneur et de probité, respectable par son âge ; vous ne vouliez, vous n’osiez lui rien demander. Plus d’une fois sans doute, après vous être un peu rassuré, après avoir résolu de lui parler d’argent, après l’avoir abordé avec une demande toute prête et un discours étudié, tout à coup, homme timide et d’une pudeur presque virginale, vous vous êtes retenu vous-même. La parole expirait sur vos lèvres ; vous désiriez rompre le silence, mais vous n’osiez de peur qu’il ne vous entendit avec peine. Oui, voila le mystère expliqué.

XII. Nous croirons que Névius a épargné les oreilles de celui dont il demande la tête ! S’il vous avait dû, Sextus, vous auriez réclamé sur-le-champ ; sinon sur-le-champ, au moins peu après ; sinon peu après, au moins au bout de quelque temps, au moins dans les six mois, bien certainement avant la fin de l’année. Mais pendant dix-huit mois entiers, où vous pouviez tous les jours avertir Publius de sa dette, vous n’ouvrez pas la bouche : c’est au bout de près de deux ans que vous