Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/194

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vos censeurs ont-ils agi comme font chez nous ceux qui obtiennent des magistratures à force de largesses : ils ont géré la censure de manière à réparer la brèche faite à leur fortune. Le cens, sous votre préture, a été établi de telle sorte, que les affaires d’aucun État ne pourraient être administrées avec ce taux : on avait réduit le cens des plus riches, et enflé celui des pauvres. Dès lors, en exigeant le tribut, on imposait au petit peuple un tel fardeau que, dussent les hommes se taire, la chose même eût parlé : ce qu’il est très facile de voir par les faits.

LVI. Lorsque je vins en Sicile pour faire des informations, Métellus était devenu tout à coup, à l’arrivée de Létilius, l’ami et même le parent de Verrès. Toutefois, voyant que le cens imposé par Verrès ne pouvait subsister, il donna ordre de rétablir celui que la Sicile devait au plus ferme, au plus intègre des hommes, au préteur Sextus Péducéus. Alors, en effet, il y avait des censeurs nommés suivant les lois, choisis par leurs villes et soumis, en cas de délit, à des peines fixées par les lois. Mais sous votre préture, Verrès, quel censeur craignait ou la loi, à laquelle il n’était pas assujetti, n’ayant pas été nommé suivant la loi ; ou votre animadversion, puisqu’il n’avait fait que vendre ce qu’il avait acheté de vous ? Eh bien, que Métellus retienne mes témoins ; qu’il en force d’autres à faire l’éloge de Verrès, comme il l’a tenté sur beaucoup de personnes, j’y consens, pourvu qu’il suive la conduite qu’il a tenue. Jamais, en effet, magistrat reçut-il d’un autre un tel affront, un tel outrage ? Tous les cinq ans, la Sicile entière est soumise au recensement ; elle avait été recensée sous la préture de Sextus Péducéus. La cinquième année étant tombée sous votre préture, Verrès, elle le fut de nouveau. L’année suivante, L. Métellus défend de s’en tenir au cens établi par vous ; il juge à propos, dit-il, de créer de nouveaux censeurs ; en attendant, il ordonne de suivre le cens fixé par Péducéus. Si votre ennemi se fût ainsi conduit avec vous, bien que la province l’eût supporté sans peine, ce jugement d’un ennemi paraîtrait bien dur : eh bien ! c’est le jugement d’un ami récent, d’un parent d’adoption. Il ne pouvait après tout agir autrement, s’il voulait garder sa province et y rester sans se compromettre.

LVII. Attendez-vous encore, Verrès, ce que vont prononcer vos juges ? L. Métellus vous destituant de vos fonctions vous eût moins déshonoré qu’il ne l’a fait, lorsqu’il a révoqué, annulé les actes de votre préture. Et ce n’est pas seulement sur ce point qu’il a tenu cette conduite : avant mon arrivée en Sicile, il l’avait déjà suivie dans des occasions nombreuses et importantes. Il avait déjà ordonné à vos chefs de palestre de restituer les biens d’Héraclius de Syracuse ; aux habitants de Bidis, ceux d’Épicrate ; à Aulus Claudius, ceux du pupille de Drépane : et, si Létilius ne fût pas arrivé si promptement en Sicile avec des lettres, en moins de trente jours Métellus eût annulé les trois années de votre préture.

Et puisque j’ai parlé des sommes que les censeurs ont fournies pour votre statue, je ne crois pas devoir omettre cette manière d’attirer à soi de l’argent, de rançonner les villes sous le prétexte de statues. Je vois, en effet, que la somme