Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/208

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répondez-moi ; dites-moi quel est ce Verrutius ; il a tout l’air de vos parents. Un homme que je trouve avoir séjourné en Sicile sous votre préture ; un homme que je vois, par les affaires mêmes qu’il a faites, avoir été fort riche, il est impossible que vous ne l’ayez pas connu dans votre province. Mais, pour ne pas laisser plus longtemps la chose dans le doute, paraissez, témoins, développez cette copie, cette image fidèle des registres ; que tout le monde aperçoive, non de légers indices, mais le nid même où Verrès couvait ses rapines.

LXXVIII. Voyez-vous, Romains, ce nom de Verrutius ? voyez-vous les premières lettres entières ? voyez-vous la dernière partie, la queue même du porc ensevelie sous la rature, comme sous la fange ? Les originaux sont tels que vous voyez la copie. Qu’attendez-vous ? que demandez-vous de plus ? Et vous, Verrès, pourquoi rester assis ? pourquoi tarder à nous répondre ? Ou produisez-nous ce Verrutius, ou convenez que c’est vous-même. On loue les anciens orateurs, les Crassus et les Antonius, d’avoir su détruire d’une manière lumineuse les accusations, d’avoir su défendre les accusés avec éloquence. Mais, sans doute, ils l’emportaient sur les orateurs de nos jours par le bonheur des conjonctures autant que par le génie. Personne alors ne prévariquait au point de ne laisser aucun moyen de le défendre ; personne ne vivait de telle sorte qu’aucun moment de sa vie ne fût exempt d’infamie ; personne n’était si manifestement convaincu, qu’ayant été assez impudent pour commettre le crime, il dût le paraître plus encore s’il osait le nier. Mais ici, que fera Hortensius ? Couvrira-t-il la tache de cupidité par le mérite d’une sage tempérance ? mais il défend dans Verrès le plus dépravé, le plus déréglé, le plus infâme des hommes. Détournera-t-il votre attention de son infamie et de sa méchanceté en citant des traits de son courage ? mais il est impossible de nommer homme plus lâche, plus dépourvu de cœur, plus homme parmi les femmes, plus femme dissolue parmi les hommes. Dira-t-on qu’il a des mœurs douces ? mais est-il quelqu’un plus insolent, plus grossier, plus superbe ? Que ses vices ne font de mal à qui que ce soit ? qui jamais fut plus dur, plus perfide, plus cruel ? Qu’auraient pu faire tous les Crassus et tous les Antonius pour un tel homme et dans une cause pareille ? Tout ce qu’ils auraient fait, Hortensius, ç’aurait été de ne pas s’en charger, dans la crainte que l’impudence d’autrui ne leur fit perdre leur réputation de pudeur. Ils se présentaient au barreau avec un esprit libre et désintéressé : ils ne se réduisaient point à l’alternative de passer, ou pour effrontés s’ils plaidaient de telles causes, ou pour ingrats s’ils abandonnaient leurs clients.