Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/213

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voici, Romains, la différence touchant l’établissement des impôts. Nous avons frappé d’autres peuples, par exemple, les Espagnols et la plupart des Carthaginois, d’un tribut fixe, d’une taxe qui est comme le prix de nos victoires et le châtiment de la guerre qu’ils nous ont faite ; ou bien, ce qui se voit en Asie, on a établi que les censeurs affermeraient les terres d’après la loi Sempronia. En recevant les villes de la Sicile dans notre amitié et sous notre protection, nous avons stipulé qu’elles seraient gouvernées par leurs anciennes lois, qu’elles obéiraient au peuple romain sous les mêmes conditions qu’elles avaient obéi à leurs princes. Très peu de ces villes ont été conquises par nos ancêtres ; leur territoire, devenu la propriété du peuple romain, leur a cependant été rendu, et est affermé par les censeurs. Il est deux villes fédérées, dont les dîmes ne s’afferment pas, Messine et Taurominium. Cinq, sans être fédérées, sont franches et libres, Centorbe, Halèse, Ségeste, Halicye, Palerme. Tous les autres territoires des villes de Sicile sont sujets aux dîmes, comme ils l’étaient, avant la domination romaine, par les ordonnances et les règlements des Siciliens eux-mêmes.

Voyez maintenant la sagesse de nos ancêtres après avoir réuni à la république la Sicile, comme un utile auxiliaire dans la guerre et dans la paix, jaloux de ménager et de se conserver les Siciliens, ils ont eu l’attention, non seulement de ne mettre sur les terres aucune imposition nouvelle, mais même de ne point toucher à la loi de l’adjudication des dîmes, de n’en changer ni le temps, ni le lieu ; ils ont voulu qu’on les affermât dans un certain temps de l’année, sur les lieux mêmes, dans la Sicile, d’après la loi d’Hiéron ; que les Siciliens pussent présider eux-mêmes à leurs affaires, qu’ils ne fussent pas effarouchés par une loi nouvelle, ni même par une loi qui portât un nouveau nom. Ainsi ils ont ordonné que les dîmes seraient toujours affermées d’après la loi d’Hiéron, afin que les Siciliens s’acquittassent plus volontiers de leur taxe, en voyant subsister, jusque sous un autre empire, les établissements et même le nom d’un roi qui leur fut cher. Les Siciliens avaient toujours joui de ce privilège avant la préture de Verrès : c’est lui qui, le premier, sans respect pour un usage constant, pour les coutumes transmises par nos ancêtres, pour les conditions de notre amitié avec les Siciliens et les clauses de leur alliance avec nous, a osé tout changer, tout bouleverser.

VII. Ici, Verrès, je vous blâme d’abord et vous accuse d’avoir introduit des innovations dans d’aussi anciens usages. Avez-vous fait quelque découverte par l’effort de votre génie ? surpassez-vous en lumières et en intelligence tous ces hommes illustres et sages qui, avant vous, ont gouverné la province ? Soit ; je vous reconnais ici, je reconnais votre pénétration, et les plans de votre sagesse. Je vous en accorde et vous en passe l’honneur. À Rome, je le sais, lorsque vous étiez préteur, votre édit a transporté les successions des enfants aux étrangers ; des héritiers directs, aux collatéraux ; des héritiers institués par les lois, à ceux que désignait votre caprice : vous avez, je le sais, réformé les édits de vos prédécesseurs, adjugé les successions, non à ceux qui produisaient des testaments, mais à ceux qui en supposaient ; et ces règlements nouveaux, ces règlements que vous avez inventés et produits, vous ont procuré des profits immenses. Je me le rappelle