Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/240

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sur un seul territoire, un Apronius avoir enlevé, à titre de bénéfice, outre les cinquante mille sesterces, trois cent mille boisseaux de blé ! Mais les habitants d’Etna sont-ils les seuls qui en déposent ? Non ; à eux se joignent les habitants de Centorbe, qui possèdent la plus grande partie du territoire d’Etna. Le sénat de Centorbe a donné à ses députés, Andron et Artémon, hommes du premier rang, les ordres qui regardaient les intérêts de leur ville quant aux vexations que les particuliers ont essuyées sur le territoire d’autrui, le sénat et le peuple n’ont pas voulu envoyer de députés ; les agriculteurs eux-mêmes de Centorbe, qui forment en Sicile un corps si nombreux, si distingué, si opulent, ont choisi pour députés trois de leurs concitoyens ; et vous pourrez apprendre par leur déposition le désastre non d’un seul territoire, mais de presque toute la Sicile. Les habitants de Centorbe font valoir dans presque toute la Sicile, et ils sont contre vous, Verrès, des témoins d’autant plus accablants, d’autant plus dignes de foi, que les autres villes ne sont occupées que de leurs propres injures, au lieu que les citoyens de Centorbe, ayant des possessions dans presque tous les territoires, ont ressenti encore les pertes et les dommages de tous les autres cantons.

XLVI. Mais, je le répète, les préjudices causés aux habitants d’Etna sont bien certifiés ; ils sont consignés dans des registres particuliers et publics : on doit exiger de mon zèle de plus grands détails sur le territoire de Léontini, par la raison que les Léontins eux-mêmes ne m’ont pas beaucoup servi au nom de leur ville. En effet, sous la préture de Verrès, les exactions des décimateurs, loin de leur causer aucun tort, leur ont procuré du profit et de l’avantage. Il vous paraîtra peut-être étonnant et incroyable qu’au milieu de tous les dommages qu’ont essuyés les agriculteurs, les Léontins, qui fournissent les premiers approvisionnements, ne s’en soient aucunement ressentis. La raison, juges, c’est que dans le territoire de Léontini, excepté la famille de Mnasistrate, aucun Léontin ne possède un seul pouce de terre. Aussi vous entendrez la déposition de l’illustre et vertueux Mnasistrate : n’attendez pas celle des autres Léontins, auxquels Apronius, ni même aucune intempérie de l’air, n’ont pu nuire dans leurs campagnes. Oui, loin d’en avoir reçu aucun préjudice, ils ont même tiré du profit et du gain des rapines d’Apronius. Puis donc que la ville et la députation de Léontini m’ont manqué pour la raison que je viens de dire, je dois chercher moi-même une voie et des moyens pour parvenir à faire connaître les profits d’Apronius, ou plutôt le butin énorme, immense, de Verrès. Les dîmes du territoire de Léontini ont été affermées la troisième année trente-six mille médimnes de blé, c’est-à-dire, deux cent seize mille boisseaux. C’est beaucoup, Romains, je ne puis le nier ; oui, c’est beaucoup. Aussi faut-il nécessairement que le décimateur y ait perdu on qu’il y ait bien peu gagné ; car c’est là ce qui arrive quand on a pris un bail porté trop haut. Mais si je montre que, sur un seul territoire, on tirait un bénéfice de cent mille boisseaux, et même de deux cent mille, et même de trois cent mille, et même de quatre cent mille, douterez-vous encore pour qui un si grand butin a été recueilli ? On