Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/28

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l’allié de sa famille, son associé, son ami, Sext. Névius, débiteur lui-même de la société, a engagé une lutte criminelle, où il dispute, comme un prix digne de toute son ambition, l’affreux honneur de faire tomber un parent sous ses coups, de le dépouiller d’une fortune honnêtement acquise, de lui ravir même la lumière qui nous éclaire. Je le répète : où étaient les autres créanciers ? où sont-ils encore aujourd’hui ? lequel d’entre eux accuse Piiblius de s’être caché par mauvaise foi ? un seul nie-t-il qu’il ait été représenté en son absence ? Aucun. Je dis plus : tous ceux qui ont eu, ou qui ont encore avec lui quelques rapports d’intérêt, prennent sa défense ; sa réputation de loyauté est établie en cent lieux ; tous désirent qu’elle ne soit point ternie par les perfides intrigues de Névius. Voilà les témoins qu’il fallait appeler à ce débat ; et il fallait en trouver parmi eux qui tinssent ce langage : « Publius a manqué à un ajournement convenu avec moi ; il m’a trompé ; il m’a demandé du temps pour une dette qu’il avait niée ; je n’ai pu l’amener devant la justice ; il s’est caché, il a disparu sans laisser de représentant. » Or, c’est ce que personne ne dit. — On fera paraître des témoins qui le diront. — Qu’ils déposent, et nous tâcherons de leur répondre ; en attendant, qu’ils y songent bien : leur témoignage aura tout le poids qu’il mérite d’avoir, s’ils respectent la vérité ; mais s’ils la trahissent, il perdra toute son autorité ; et l’on verra clairement que si la considération personnelle peut prêter à la vérité de nouvelles forces, elle ne saurait faire triompher le mensonge.

XXIV. Je demande donc deux choses : d’abord comment Névius n’a pas consommé l’œuvre qu’il avait commencée, c’est-à-dire, pourquoi il n’a pas vendu les biens judiciairement saisis ; ensuite pourquoi, de tant de créanciers, aucun n’est venu faire reconnaître ses droits ; et je le demande, Névius, afin que vous soyez forcé de convenir, et qu’aucun d’eux n’a eu cette folle présomption, et que vous-même n’avez pu conduire à sa fin votre honteuse entreprise. Et s’il était vrai que votre propre aveu démontrât que les biens de Publius n’ont pas été saisis ? car sans doute votre témoignage, qui serait peu de chose dans l’affaire d’autrui, doit être d’un grand poids dans la vôtre, quand il prouve contre vous. Vous avez acheté les biens d’Alphénus, que Sylla faisait vendre, et vous avez déclaré Publius votre associé dans cet achat. Je n’en dis pas davantage. Vous offriez une association volontaire à celui qui vous avait trompé dans une association héréditaire ; vous donniez une preuve éclatante de votre estime à l’homme que vous croyiez dépouillé de ses biens et de son honneur.

Je l’avouerai, Aquillius, je me défiais d’abord de mes forces, et je craignais de ne pas apporter à la défense de cette cause assez d’assurance et de sang-froid. Effrayé de l’idée qu’Hortensius parlerait après moi, et que j’aurais dans Philippe un auditeur attentif, je tremblais de me déconcerter plus d’une fois. Quand le célèbre acteur Roscius, dont Publius a épousé la sœur, me conjurait de défendre son beau-frère, je lui disais qu’il me serait bien difficile de plaider contre de tels orateurs une cause de cette importance ; qu’à peine oserais-je devant eux proférer une seule parole. Comme il redoublait d’instances, je lui dis avec toute la familiarité de l’amitié, qu’il fallait une présomption peu commune pour essayer