Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/297

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l’a informé, dit-il, que des pirates sortis de son royaume doivent faire une descente en Sicile. Le roi, en présence d’une foule de Romains, dans le forum de Syracuse (car ne croyez pas que je parle ici d’un crime commis dans l’ombre, et que je l’accuse sur de simples soupçons) ; oui, le roi, les larmes aux yeux, attestant et les dieux et les hommes, déclare à haute voix que Verrès lui enlève un candélabre tout en pierreries, qu’il destinait au Capitole, et qu’il voulait y placer comme un monument de son amitié et de son alliance avec le peuple romain ; qu’il fait le sacrifice des autres ouvrages en or et en pierreries que Verrès lui retient ; mais qu’il est cruel, qu’il est odieux que le candélabre aussi lui soit enlevé ; qu’il renouvelle la consécration que son frère et lui ont déjà prononcée dans leur cœur, et qu’en présence des Romains qui l’entendent, il le donne, il le dédie, il le consacre à Jupiter Capitolin, et qu’il atteste, sur la sincérité de son hommage, le dieu même qui reçoit son serment.

XXX. Quelle voix, quels poumons, quelles forces peuvent suffire à l’indignation qu’excite ce seul attentat ? Un roi qui, pendant près de deux années entières, s’est montré dans Rome avec le cortège et l’appareil imposant de la royauté ; un roi, l’ami, l’allié du peuple romain, dont le père, l’aïeul et les ancêtres, tous illustres et par l’ancienneté de leur origine, et par leur grandeur personnelle, ont été constamment attachés à notre république, le souverain d’un empire aussi vaste que florissant, Antiochus est chassé honteusement d’une province romaine ! Répondez, Verrès, quelle sensation cette nouvelle devait-elle produire chez les nations étrangères ? qu’auront pensé les autres rois et les peuples placés aux extrémités de la terre, lorsqu’ils auront appris qu’un préteur romain a outragé un roi, dépouillé un hôte, chassé de sa province un ami et un allié du peuple romain ? Juges, n’en doutez pas, si un tel attentat demeure impuni, votre nom, le nom de Rome sera voué désormais à l’horreur et à l’exécration des nations ; aujourd’hui surtout qu’elles ne s’entretiennent que de l’avarice et de la cupidité de nos magistrats, elles croiront que ce crime doit être imputé, non pas au seul Verrès, mais à tous ceux qui l’auront approuvé. Beaucoup de rois, beaucoup de républiques, beaucoup de particuliers riches et puissants se proposent, sans doute, d’envoyer au Capitole des offrandes dignes de la majesté et de la grandeur de notre empire. S’ils apprennent que vous avez puni sévèrement le sacrilège qui a détourné l’offrande d’un roi, ils aimeront à penser que leurs dons et leur zèle seront agréables au sénat et au peuple ; mais s’ils entendent dire que l’insulte faite à un roi si respectable, que le vol d’un objet aussi précieux, qu’un outrage aussi atroce, vous ont trouvés froids et indifférents, n’espérez pas qu’ils soient assez insensés pour employer leurs peines, leurs soins, leurs richesses, à vous offrir des dons qu’ils croiront de nul prix à vos yeux.

XXXI. Je m’adresse à vous, Catulus : car je parle d’un temple dont la magnificence est votre ouvrage. J’attends ici de vous, non pas seulement la sévérité d’un juge, mais j’ose dire, la passion d’un ennemi, et l’animosité d’un accusateur. Par une faveur spéciale du sénat et du peuple romain, votre gloire est inséparable de celle