Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/320

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un ancien questeur de Verrès, Césétius. Ô comble du ridicule ! et combien cet homme est délaissé, désespéré, abandonné par les magistrats de la Sicile ! Quoi ! pour empêcher les Siciliens de prendre un arrêté, d’user de leurs droits, conformément aux lois et aux usages du pays, ce n’est ni un hôte, ni un ami de Verrès, ni même un Sicilien ; c’est son questeur qui forme un appel au préteur ! Qui jamais a rien vu, rien entendu de pareil ? Le sage, l’équitable préteur lève la séance. On se réunit en foule autour de moi ; les sénateurs s’écrient qu’on attente à leurs droits, qu’on viole leur liberté ; le peuple loue et remercie le sénat. Les citoyens romains ne me quittent pas. Il m’en coûta les plus grands efforts pour sauver ce malheureux appelant, de la fureur de la multitude. Nous nous présentons au préteur. Il ne voulut pas prononcer légèrement ; car avant que j’eusse dit un mot, il se leva et disparut. La nuit approchait. Nous quittâmes le forum.

LXVI. Le lendemain matin, je le somme d’autoriser les Syracusains à me remettre le sénatus-consulte de la veille. Il refuse, et dit que je me suis étrangement compromis en prenant la parole dans un sénat grec ; qu’avoir parlé grec à des Grecs est une action impardonnable. ]Ma réponse fut telle que je pouvais, que je voulais, que je devais la faire. J’observai, entre autres choses, qu’il existait une grande différence entre lui et le vainqueur de la Numidie. Ce vrai, ce digne Métellus, lui dis-je, ne voulut pas appuyer par un éloge Lucullus, son beau-frère et son ami ; et vous, par la violence et la menace, vous arrachez aux peuples des certificats en faveur d’un homme qui vous est entièrement étranger.

Dès que je vis l’impression qu’avaient faite sur lui, non pas les lettres de recommandation, mais les lettres de crédit qui venaient de lui être apportées, je suivis le conseil des Syracusains, et je saisis les registres ou tous les faits étaient consignés. Mais voici un autre incident, et une nouvelle querelle. Vous allez sentir que Verrès n’est pas sans amis et sans hôtes, qu’il n’est pas délaissé ni abandonné par tout le monde à Syracuse. Un certain Théomnaste essaye de retenir les registres. C’est une espèce de fou ridicule, que les Syracusains ont nommé Théoracte. Les enfants courent après lui dans les rues ; dès qu’il dit un mot, chacun se met à rire. Sa folie, qui est amusante pour les autres, fut ce jour-là très-incommode pour moi. Il écumait, ses yeux étincelaient, il criait de toutes ses forces que je lui faisais violence. Nous nous traînons l’un l’autre devant le préteur.

Là je demande qu’il me soit permis de sceller et d’emporter les registres. Théomnaste soutient que le sénatus-consulte est nul, puisqu’on a formé un appel au préteur, et que par conséquent on ne doit pas me le remettre. Je fais lecture de la loi qui met à ma disposition tous les registres et toutes les pièces. Il insiste avec fureur, et dit que nos lois ne sont pas faites pour lui. L’habile préteur déclare qu’il ne consent pas que j’emporte à Rome un sénatus-consulte qui n’a pas été ratifié. Si je n’avais menacé dans les termes les plus énergiques, si je n’avais donné lecture des peines