Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/415

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un homme si avantageusement connu, si sage, d’une prudence si consommée, d’un si rare mérite, d’une si grande considération, plutôt que de s’inquiéter comment il s’est pu trouver un homme de l’ignorance et de l’effronterie de Sext. Ébutius, pour prétendre que Cécina a été dépouillé du droit de cité dont il est si évident qu’il n’a rien perdu. Niais comme Cécina n’a point trahi son droit, comme il n’a point cédé à l’audace et à l’insolence d’Ébutius, la cause de Cécina étant la cause du peuple romain, celle de tous les peuples, je la confie à votre justice et à votre religion.

XXXVI. Cécina fut toujours jaloux de se concilier votre estime et celle des hommes qui vous ressemblent, juges ; et ce n’est pas là ce dont il s’est le moins occupé dans cette cause. Il n’a eu d’autre but que de paraître n’avoir pas absolument négligé son droit, et il n’appréhende pas moins de passer pour mépriser Ébutius, que pour avoir été méprisé par lui. Si donc, abstraction faite de la cause, on peut louer les deux rivaux, vous voyez dans Cécina un homme d’une modestie admirable, d’un mérite rare, d’une probité reconnue, et dont les premiers citoyens de l’Étrurie ont admiré la vertu et la douceur dans l’une et l’autre fortune. Si du côté de la partie adverse, quelque chose doit choquer dans la personne, vous voyez, pour n’en pas dire plus, un homme qui confesse avoir rassemblé et armé des satellites. Sans considérer les personnes, si vous n’examinez que la cause en elle-même, vous avez à prononcer sur la violence ; or, celui contre qui je parle avoue qu’il a fait violence avec des gens armés : il entreprend de se défendre par un mot, et non par la justice ; mais cette défense même lui a été enlevée ; là-dessus nous avons pour nous la décision des hommes les plus sages. Il ne s’agit pas dans ce jugement de savoir si Cécina était en possession ou non, et cependant j’ai prouvé qu’il était en possession ; il est encore moins question si la terre lui appartient ou non en propriété, et cependant j’ai montré qu’elle lui appartenait ; maintenant, examinez ce que vous devez prononcer sur des hommes armés, dans les circonstances actuelles ; sur la violence d’après l’aveu d’Ébutius ; sur l’équité naturelle d’après notre discussion ; sur le droit civil d’après l’esprit de l’ordonnance.


NOTES
SUR LE PLAIDOYER POUR A. CÉCINA.

I. Quam tum in vi facienda, etc. On peut consulter, sur cette espèce de violence, Digest., lib. 48, tit. 6, leg. 2 et tit. 7, leg. 5 ; les Institutes, IV, 15 ; l’Index d’Ernesti, le Commentaire de l’abbé d’Olivet, tom. IV, pag. 605, et l’une des notes du cap. VII où Clément analyse les recherches de Sigonius.

Recuperatores. Cicéron, s’adressant aux juges, les appelle souvent judices, ou d’autres fois, comme ici, recuperatores. Il est difficile de déterminer la nuance précise que mettaient les Romains entre ces deux termes. Il parait que, dans les accusations publiques, les juges choisis par le préteur étaient appelés judices, et que, dans les discussions de propriété, on les nommait recuperatores, qu’on peut traduire par commissaires. Il y en avait ordinairement trois. [Clément.]

III. Potuisti enim leviore actione confligere. Le préteur donnait action aux parties, il leur donnait des juges, et prescrivait à ces juges la formule suivant laquelle ils