Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/425

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respectables, et témoins si religieux, sont venus assiéger le Capitole, et ce Jupiter, par le nom de qui nos ancêtres ont voulu que fût scellée la foi des témoignages. Enfin, que peut-il y avoir de saint et de sacré pour des hommes qui, lorsque la frayeur les précipite aux pieds de leurs dieux, pensent les apaiser, en souillant de victimes humaines leurs autels et leurs temples, et ne peuvent pratiquer une religion qu’ils ne l’aient d’abord profanée par un forfait ? Qui ignore en effet qu’ils ont conservé jusqu’à ce jour l’affreux et barbare usage des sacrifices humains ? que doit être, pensez-vous, la bonne foi, la piété de ces peuples qui s’imaginent que les dieux immortels peuvent être facilement fléchis par le crime et le sang des hommes ?

Est-ce à de pareils témoins que vous associerez la religion de votre serment ? Les croirez-vous capables de quelque scrupule ou de quelque modération ? Vous, si intègres et si purs, leur donnerez-vous ces avantages sur tous ceux de nos lieutenants qui ont séjourné en Gaule durant les trois années de l’administration de Fontéius, sur tous les chevaliers romains qui se sont trouvés dans cette province, sur tous ceux qui y font le commerce, enfin sur tous les alliés, tous les amis que le peuple romain y compte, et qui désirent que Fontéius soit absous ; qui, soit en particulier, soit en corps, rendent témoignage à sa vertu sous la foi du serment ? Aimerez-vous donc mieux croire les Gaulois ? Quel motif paraîtra vous avoir déterminés ! L’opinion publique ? Celle de vos ennemis aura-t-elle donc plus de poids auprès de vous que celle de vos concitoyens ? L’autorité des témoins ? Pouvez-vous donc préférer des inconnus à ceux que vous connaissez, des hommes injustes à des hommes équitables, des étrangers à des Romains, des accusateurs haineux à des témoins sans passion, des âmes mercenaires à des cœurs désintéressés, des impies à ceux qui aiment les dieux, les ennemis déclarés de notre nom et de notre empire à de fidèles alliés, à des citoyens irréprochables ?

XIV. Doutez-vous, juges, que tous ces peuples ne portent en eux la haine du nom romain ? croyez-vous que ces hommes, avec leurs sayons et leurs braies, aient, au milieu de nous, la contenance humble et soumise que prennent tous ceux qui, victimes de quelque injustice, viennent implorer, en suppliant, et comme des inférieurs, la protection des juges ? Non, certes. Ils parcourent tout le forum, la tête haute et avec un air de triomphe ; ils font des menaces, ils voudraient nous épouvanter des sons horribles de leur barbare langage. Je ne pourrais croire à cette audace, si je n’avais parfois entendu avec vous les accusateurs eux-mêmes nous avertir de craindre une nouvelle guerre gauloise, si Fontéius était absous. Eh bien ! supposé que tout manquât à Fontéius dans cette cause ; sa jeunesse eût-elle été déréglée, et sa vie, déshonorée ; se fût-il mal conduit dans les magistratures qu’il a gérées sous vos yeux ; quand le témoignage des gens de bien, la haine de tous ses concitoyens le poursuivraient devant la justice ; quand les Marseillais nos alliés fidèles, toute la colonie de Narbonne, tous les citoyens romains établis dans la Gaule, déposant contre lui, l’accableraient de leurs témoignages et de preuves écrites, vous devriez encore éviter, avec le plus grand soin, de paraître redouter les Gaulois, de paraître effrayés par les menaces de ceux que vos pères et vos ancêtres ont assez affaiblis pour vous