Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/433

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surtout qui ont cru devoir me récompenser de ce faible mérite. Et je dois me féliciter particulièrement, ce me semble, de ce que la circonstance qui m’amène à parler ici pour la première fois m’offre un sujet sur lequel personne ne peut manquer d’être éloquent ; car il s’agit de parler de Pompée, de sa vertu, de son incomparable mérite ; et dans cette matière il est plus difficile à l’orateur de finir que de commencer ; de sorte que je dois moins travailler à retendre qu’à la resserrer.

II. Je vais d’abord exposer les faits qui donnent lieu à la discussion présente. Une guerre dangereuse et formidable est déclarée à vos tributaires et à vos alliés par deux rois tout-puissants ; Mithridate et Tigrane, l’un dédaigné comme vaincu, et l’autre harcelé par nos légions, croient également avoir trouvé l’occasion d’envahir l’Asie. Tous les jours, on apporte de cette province des lettres à des chevaliers romains de la plus haute distinction, qui ont des sommes considérables engagées dans l’exploitation de vos revenus, et qui, à cause des liens étroits qui m’attachent à l’ordre équestre, m’ont confié la tâche de conjurer les périls qui menacent les intérêts de la république et les leurs. Ces lettres annoncent qu’en Bithynie, aujourd’hui l’une de vos provinces, plusieurs bourgs ont été incendiés ; que les États d’Ariobarzane, voisins de vos tributaires, sont au pouvoir de l’ennemi ; que Lucullus, après de glorieuses campagnes, quitte le commandement, et que son successeur n’est pas suffisamment préparé à prendre la conduite de cette guerre ; qu’un seul homme est désiré, est demandé pour général par les alliés et par les citoyens ; que ce même homme est le seul, et sans exception aucune, qui soit redouté des ennemis.

Voilà l’état des choses ; examinez maintenant quel parti vous devez prendre. Pour moi, je vais parler d’abord de l’objet de cette guerre, ensuite de sa haute importance, enfin du général qu’il vous faut choisir.

L’objet de la guerre est tel, qu’il doit enflammer vos âmes, et vous inspirer une énergique persévérance à la poursuivre. Il s’agit en effet de la gloire du peuple romain, de cet héritage de vos ancêtres, grands en toutes choses, grands surtout dans les armes ; il s’agit de vos alliés, de vos amis pour le salut desquels vos ancêtres ont livré tant et de si terribles batailles ; il s’agit des revenus du peuple romain, les plus sûrs et les plus considérables, et dont la perte amènerait tout ensemble et la difficulté de soutenir les magnificences de ta paix, et l’insuffisance des subsides pour faire la guerre ; il s’agit enfin de la fortune d’un grand nombre de citoyens ; et votre devoir est de veiller sur eux, aussi bien dans leur propre intérêt que dans celui de la république.

III. Et, puisque vous avez toujours été ambitieux de gloire et avides d’éloges plus qu’aucune autre nation du monde, il vous faut avant tout effacer la tache dont vous êtes restés souillés, après la première guerre contre Mithridate, tache depuis trop longtemps imprimée au nom romain, et qui demeurera indélébile, tant que cet homme qui, en un seul jour, par un simple message, d’un mot écrit de sa main, a, dans toute