Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/444

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dieux. Je pense donc que Maximus, Métellus, Scipion, Marius et d’autres généraux fameux ont dû le plus souvent l’honorable mission de commander nos armées, autant au bonheur de leurs armes qu’à leur mérite personnel. On ne peut douter qu’il n’y ait eu plus d’un homme illustre dont l’élévation, les honneurs, la gloire, les succès dans les grandes entreprises, furent le résultat de la coopération divine de la fortune. Je ne dirai pas que le personnage dont il s’agit tient la fortune dans ses mains ; mais je dirai, fidèle à cette modération que je m’impose, et afin qu’on ne m’accuse ni d’impiété, ni d’ingratitude envers les dieux, que le passé nous garantit peut-être l’avenir. Je n’exalterai donc pas devant vous, Romains, la grandeur des actions de Pompée pendant la paix et pendant la guerre, sur terre et sur mer, ni le bonheur inouï qui l’accompagne ; je ne vanterai pas cet assentiment continuel des citoyens, cette adhésion empressée de nos alliés, cette obéissance des ennemis, et jusqu’à cette soumission des vents et des tempêtes secondant ses desseins ; je dirai simplement qu’il n’y a jamais eu d’homme assez téméraire pour oser, dans son cœur, demander aux dieux autant et d’aussi grands succès qu’ils en ont prodigué à Pompée. Puissent-ils lui continuer les mêmes faveurs ! c’est là le vœu que vous devez faire, et que vous faites sans doute pour la prospérité de l’empire, et pour l’intérêt de Pompée lui-même.

La guerre étant donc si nécessaire qu’on ne peut la différer ; si importante, qu’elle réclame tons vos soins ; le commandement d’ailleurs devant être confié à un général qui réunisse en lui une merveilleuse connaissance de l’art militaire, un courage insigne, une réputation brillante, un bonheur sans égal ; hésiterez-vous, Romains, à consacrer à la défense et à l’agrandissement de cet empire, l’instrument illustre qui vous est offert et donné par les dieux ?

XVII. Quand même Pompée serait aujourd’hui dans Rome, simple particulier, il faudrait le choisir encore, et l’envoyer continuer la guerre. Maintenant que, indépendamment d’autres avantages précieux, notre bonne fortune veut qu’il soit sur les lieux, qu’il y ait une armée prête à passer sans délai des mains de ceux qui la commandent entre les siennes ; qu’attendons-nous ? ou pourquoi, sous les auspices des dieux mêmes, ne confions-nous pas la conduite de cette guerre contre des rois ligués, à cet homme que nous avons chargé, si heureusement pour la république, des entreprises les plus difficiles ?

Mais un citoyen illustre, plein d’amour pour son pays, et comblé d’ailleurs de vos bienfaits, Q. Catulus, est d’un avis contraire, et cet avis est partagé par Q. Hortensius, qui réunit, avec tant de distinction, les honneurs, la fortune, le talent et l’esprit. Je sais que leur autorité a souvent eu, je sais qu’elle a encore la plus grande influence sur vos décisions ; mais, dans cette affaire où je puis à mon tour leur opposer des noms également illustres, respectables et bien connus de vous, j’examinerai la chose en elle-même, et, sans avoir égard à l’autorité, je ne veux qu’interroger la vérité et la raison. La vérité se dévoilera d’autant plus facilement, qu’Hortensius et Catulus conviennent eux-mêmes de ce que je viens de dire, et reconnaissent que la guerre est indispensable, qu’elle est dangereuse, et qu’il ne manque à Pompée aucune des vertus qui caractérisent