Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/507

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mêlera pas sa cendre à la cendre paternelle. Assez longtemps, juges, il a été malheureux ; assez longtemps l’envie s’est acharnée à sa perte. Ses plus cruels ennemis, excepté sa mère, doivent être satisfaits : vous, qui êtes les amis de tous les innocents, et qui protégez avec plus de générosité ceux qu’on attaque avec plus de violence, sauvez Cluentius ; rendez un citoyen à sa patrie ; rendez-le à ses amis, à ses voisins, à ses hôtes, dont vous voyez le zèle et l’affection. Accordez-lui un bienfait qui vous assure à vous-mêmes et à vos enfants sa reconnaissance éternelle. Sa grâce est dans vos cœurs ; elle est prononcée par votre justice et par votre clémence. Oui, l’on est sûr d’être écouté, quand on supplie des juges tels que vous d’arracher enfin à de longues infortunes l’homme vertueux et innocent, l’objet d’un intérêt si vif, d’une estime si universelle ; et par l’arrêt que vous allez porter, le monde entier saura que, si la prévention égare quelquefois les assemblées populaires, la vérité triomphe seule devant les tribunaux.


NOTES
SUR LE PLAIDOYER POUR A. CLUENTIUS.

I. Judicii Juniani. L’arrêt qui, huit ans auparavant, avait condamné Oppianicus à l’exil.

Moderatisque judiciis. Allusion aux discours par lesquels le tribun L. Quintius avait animé le peuple contre les juges d’Oppianicus, et contre Cluentius, son accusateur.

IV. Non a Cluentio. Ceci contient la subdivision en trois points de la première partie du plaidoyer. Il faut se rappeler que Cicéron a dit qu’il prouverait :

1o Que Cluentius n’a pas corrompu les juges d’Oppianicus ;

2o Qu’il ne l’a pas fait empoisonner.

Pour démontrer ta première proposition, il fera voir,

1o Qu’Oppianicus était accusé de crimes énormes et manifestes ;

2o Que les juges étaient liés par des arrêts antérieurs, et forcés de le condamner ;

3o Que c’est Oppianicus lui-même, et non Cluentius, qui a essayé de les corrompre.

Quintilien, liv. IV, chap. 5, dit que quelques critiques blâmaient cette subdivision en trois points, parce que le troisième bien prouvé dispensait des deux autres. On peut répondre que les deux premiers, bien développés, disposaient les juges à admettre le troisième, et contribuaient surtout à dissiper les préventions qu’on avait contre Cluentius, et á les reporter sur Oppianicus.

V. Sulla et Pompeio. Sylla et Q. Pompéius Rufus furent consuls l’an de Rome 665, l’année même du massacre des Romains par Mithridate. Nous suivons, dans ces notes, la chronologie qui place la première année de l’ère vulgaire à l’an de Rome 753. D’après ce calcul, Cicéron naquit le 3 janvier 647, fut préteur en 687, consul en 690, et mourut le 7 décembre 710.

Nullis auspicibus. Valère-Maxime, liv. II, chap. 1, nous apprend que dans l’origine on prenait les auspices pour la célébration des mariages. Même quand cet usage fut tombé en désuétude, ou y faisait toujours intervenir des personnes qui étaient censées les avoir pris, et qu’on appelait auspices.

Nullis auctoribus. Une femme, quel que fut son âge, ne pouvait se marier sans l’autorisation de ses parents ou de son tuteur ; car les femmes restaient, aux yeux de la loi, dans une perpétuelle minorité.

VI. Facesgue illas nuptiales. Plutarque (Questions romaines), après avoir raconté qu’on portait cinq flambeaux devant la nouvelle épouse, en donne plusieurs raisons, et semble s’arrêter à l’idée que c’était en mémoire des cinq divinités dont le secours est le plus, nécessaire dans l’état de mariage : Jupiter, Junon, Vénus, la Persuasion et Diane surnommée Lucine.

Non limen cubiculi. Les parents de l’épouse la conduisaient chez son nouvel époux, et, arrivés à la porte, ils la prenaient dans leurs bras et lui faisaient franchir le seuil sans y toucher, ce qui eut été un sacrilège, parce que le seuil était consacré à Vesta : Ne a sacrilegio inchoarent, dit Servius (Virg., églogue VIII), si deposituræ virginitatem calcent rem Vestae, i.e., numini castissimo consecratam.

VII. Constantiam Auli Cluentii. Cicéron veut prouver que Cluentius n’a pas corrompu les juges d’Oppianicus Pour cela il doit montrer qu’il a suivi dans tout ce procès une marche ferme, soutenue, éloignée de toute inconséquence et toute tergiversation, une marche qui annonce un accusateur sûr de ce qu’il avance, et qui va droit et franchement à son but. Tel est le sens du mot constantia, et de constanter, qui se trouve un peu plus bas.

Rationem accusationis ne signifie pas la raison, le motif de l’accusation ; c’est le système, la marche de cette accusation.

Ad Stalenum. Stalénus est l’agent dont Oppianicus se servit pour corrompre ses juges. Or ce Stalénus, qui avait intention de s’approprier la somme, s’acquitta mal de sa commission, et Oppianicus fut condamné.