Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/581

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possèdent encore plus qu’ils ne doivent, mais qui, ne pouvant se détacher de leurs biens, n’ont aucun moyen d’acquitter leurs dettes. C’est de tout le parti ceux qui se présentent sous les plus beaux dehors, car ils sont riches ; mais, au fond, rien de plus révoltant que ce qu’ils prétendent. Eh quoi ! vous aurez des domaines, des palais, de l’argenterie, de nombreux esclaves, des richesses de toute espèce, et vous craindrez d’ôter quelque chose à vos possessions, pour l’ajouter à votre crédit ! Sur quoi donc comptez-vous ? Sur la guerre ? pouvez-vous croire que dans la dévastation générale, vos propriétés seront inviolables ? Sur l’abolition des dettes ? c’est se tromper que de l’attendre de Catilina. C’est moi qui libérerai les débiteurs, mais en les forçant de vendre une partie de leurs biens. Il n’est que ce moyen de sauver ces propriétaires obérés. S’ils avaient voulu s’y décider plus tôt, au lieu d’employer les revenus de leurs domaines à lutter follement contre l’usure, ils seraient aujourd’hui plus riches et meilleurs citoyens. Mais, du reste, ils me semblent assez peu redoutables ; car ils peuvent enfin revenir de leur égarement, ou, s’ils y persistent, ils formeront peut-être des vœux impies, mais je les crois peu capables de s’armer pour leur succès.

IX. La seconde classe se compose d’hommes abîmés de dettes, mais ambitieux de pouvoir. Ils veulent dominer à tout prix. Sans espoir d’obtenir les honneurs, tant que la république sera tranquille, ils comptent s’y élever à la faveur des troubles. Je leur donnerai un seul conseil, et c’est le même que je donne à tous les autres. Qu’ils renoncent à l’espérance de voir leurs projets s’accomplir. Le premier obstacle, c’est moi, qu’ils trouveront partout pour sauver l’État et réprimer leurs complots ; ensuite, le courage des gens de bien, leur union, leur nombre immense, et de grandes forces militaires ; enfin, les dieux en qui ce peuple invincible, ce glorieux empire et cette reine des cités, ont, contre les attentats du crime, d’immortels protecteurs. Et quand ils obtiendraient ce qu’ils convoitent avec tant de fureur, quand la vue de Rome en cendres, inondée du sang des citoyens, assouvirait leurs exécrables désirs, est-ce donc au milieu de ces débris qu’ils espèrent être consuls, dictateurs, ou même rois ? Ils ne voient pas qu’ils désirent un pouvoir qu’il leur faudrait céder, s’ils l’obtenaient, à quelque esclave échappé des fers, ou à quelque gladiateur.

Vient ensuite une troisième classe d’hommes qui, dans un âge voisin de la vieillesse, ont conservé les forces que leur donna l’exercice. De ce nombre est Mallius, dont Catilina est allé prendre la place. Ils font partie de ces colonies que Sylla établit jadis à Fésules. Ces colonies, je le sais, sont en général composées de citoyens d’une probité reconnue, d’un courage éprouvé. Il en est toutefois parmi eux qui, enivrés de leur soudaine prospérité, ont consumé en de folles dépenses les dons de la fortune. Ils ont voulu bâtir comme les grands, avoir des domaines, des équipages, des légions d’esclaves, une table somptueuse ; et ce luxe a creusé sous leurs pas un abîme si profond, que, pour en sortir, il leur faudrait évoquer Sylla du séjour des morts. Ils ont associé à leurs criminelles espérances quelques habitants de la campagne, qui croient voir dans le retour des anciennes déprédations un remède