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CONTRE L. CATILINA, LIV. III.

oublié que, sous les consuls Torquatus et Cotta, le Capitole fut atteint de la foudre en plusieurs endroits, alors que les images des dieux immortels furent déplacées, les statues des antiques héros renversées de leurs bases, et l’airain dépositaire des lois réduit en fusion : il fut frappé lui-même, le fondateur de cette ville, le divin Romulus, qu’un groupe doré, que vous avez tous vu dans le Capitole, représentait sous la figure d’un enfant nouveau-né, ouvrant la bouche pour saisir les mamelles d’une louve. Alors les aruspices, appelés de tous les cantons de l’Étrurie, annoncèrent que les temps approchaient où l’on verrait des massacres, des incendies, la subversion des lois, la guerre civile et domestique, la chute de Rome et de l’empire, si les dieux, apaisés à tout prix, ne faisaient fléchir sous leur puissance la puissance même des destins. D’après leurs réponses, on célébra pendant dix jours des jeux solennels, et l’on n’oublia rien de ce qui pouvait rendre les dieux favorables. Les mêmes aruspices ordonnèrent qu’on érigeât au maître de l’Olympe une statue plus grande que la première, et qu’on la plaçât sur une base élevée, la face tournée en sens contraire, c’est-à-dire, vers l’orient. Ils espéraient que quand cette image auguste, que vous voyez maintenant, regarderait tout à la fois l’aurore et les lieux où s’assemblent le peuple et le sénat, alors seraient mis au grand jour, et dévoilés au sénat et au peuple, les complots tramés dans l’ombre pour la perte de Rome et de l’empire. Aussitôt les consuls passèrent marché pour l’érection de la nouvelle statue ; mais l’ouvrage avança si lentement qu’elle ne fut point achevée sous nos prédécesseurs ; nous-mêmes nous n’avons pu la faire placer qu’aujourd’hui.

IX. Maintenant, citoyens, est-il un homme assez ennemi de la vérité, assez enfoncé dans l’erreur, assez aveugle pour ne pas reconnaître que tout ce vaste univers, et cette ville plus que le reste, est gouvernée par la puissance et la volonté souveraine des dieux immortels ? En effet, leurs interprètes vous ont annoncé que des citoyens pervers méditaient le massacre, l’incendie, l’anéantissement de la république ; et ces forfaits, que plusieurs refusaient de croire à cause de leur énormité, des citoyens pervers, vous le voyez aujourd’hui, les ont non-seulement conçus, mais presque consommés. Mais comment ne pas reconnaître la main du grand Jupiter dans ce qui s’est passé ce matin même sous vos yeux ? C’est à l’instant où, par mon ordre, les conjurés et leurs dénonciateurs étaient conduits à travers le forum au temple de la Concorde, c’est en ce même instant qu’on plaçait la statue sur sa base. À peine y a-t-elle reposé, que les regards du dieu, planant sur vous et sur le sénat, vous ont éclairés d’une divine lumière, et vous ont révélé d’horribles attentats. Motif puissant pour en haïr de plus en plus les auteurs, et tirer vengeance de ces hommes sacriléges qui avaient juré d’abîmer dans un vaste incendie et les demeures des mortels, et les temples des dieux ! Ce n’est pas moi, non, ce n’est pas moi qui ai rompu leur ligue criminelle. Jupiter, Jupiter lui-même s’est armé contre eux. C’est lui qui a défendu ce Capitole, ces temples, cette ville ; c’est lui qui vous a tous sauvés. C’est l’inspiration des dieux immortels qui, dirigeant mes conseils, soutenant mon courage, m’a conduit à ces grandes découvertes. Et ces tentatives pour séduire les Allobroges, et ce secret si follement confié par Lentulus et ses complices à des inconnus et à des barbares, et ces lettres remises en leurs mains ; tout ne prouve-t-il pas que les dieux ont aveuglé leur audace et