Page:Cicéron - Œuvres complètes, Garnier, 1850, tome 2.djvu/678

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c’est à vous, juges, de voir si ce sont là des témoignages.

VIII. Un jeune homme d’un mérite rare, d’une grande naissance, éloquent, accompagné d’un brillant et nombreux cortége, arrive dans une ville grecque ; il demande une assemblée ; il intimide les puissants et les riches qu’il craint d’avoir contre lui, en les sommant de venir faire leurs dépositions ; il flatte les petits et les pauvres de l’espoir d’être envoyés comme députés et défrayés par l’État ; il les séduit même par des largesses particulières. Pour les ouvriers, les petits marchands, et toute la lie des villes, était-il bien difficile de les animer, surtout contre un homme qui venait d’avoir sur eux une autorité souveraine, et qui, pour cela même, ne devait pas en être fort aimé ? Est-il étonnant que des hommes pour qui nos haches sont un objet d’horreur ; notre nom, un supplice ; nos dîmes, nos entrées, tous nos impôts, un coup mortel, saisissent volontiers toute occasion de nous nuire ? Souvenez-vous donc, lorsque vous entendrez ces décrets, que ce ne sont point de vrais témoignages que vous entendez, mais les vaines clameurs de la populace, mais les mouvements des plus capricieux des hommes, mais le bruit d’une foule ignorante, mais le tumulte des assemblées d’une nation légère. Ainsi, approfondissez la nature des divers griefs : vous ne trouverez que des promesses faites aux témoins, de la terreur et des menaces……

Lacune.

IX. Leurs villes n’ont rien dans le trésor ; elles n’ont pas de revenus : il n’est que deux moyens de faire de l’argent, l’emprunt ou les impôts. On ne produit ni les billets des créanciers, ni le recouvrement des impositions. Voyez, je vous prie, par les lettres de Pompée à Hypséus, et d’Hypséus à Pompée, avec quelle facilité les Grecs ont coutume de fabriquer de faux registres, et d’y porter ce qu’ils veulent. LETTRES DE POMPÉE ET d’HYPSÉUS. Vous semble-t-il que je montre assez clairement, par ces autorités, combien les Grecs ont peu de scrupule, et quelle est leur licence audacieuse ? Croirons-nous que des hommes qui trompaient ainsi Pompée en sa présence et sans y être excités par personne, aient été scrupuleux et timides contre Flaccus, contre Flaccus absent, et lorsqu’ils étaient pressés par Lélius ? Mais je suppose que les registres n’ont pas été falsifiés dans les villes : quelle autorité, quelle créance peuvent-ils maintenant avoir ? La loi ordonne de les porter dans trois jours chez le préteur, scellés du sceau des juges : on les porte à peine le trentième jour. La loi ordonne de les sceller et de les remettre au magistrat pour qu’on ne puisse pas les falsifier aisément : on les scelle quand ils sont déjà falsifiés. Ne les porter aux juges que si longtemps après, ou ne les point porter du tout, n’est-ce pas la même chose ? Mais si les témoins sont d’intelligence avec l’accusateur, verra-t-on toujours en eux des témoins ?

X. Où donc est ce juste équilibre qui tenait l’esprit des juges en suspens à l’égard de la preuve testimoniale ? Jusqu’ici, lorsque l’accusateur avait parlé avec force et avec véhémence, que l’accusé avait répondu d’un ton suppliant et soumis, on entendait en troisième lieu les témoins qui déposaient sans aucune passion, ou qui, du moins, savaient feindre. Mais ici que voyons-nous ? Les témoins sont assis ensemble ; ils se lèvent du banc des accusateurs ; ils ne dissimulent